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Sexisme

L’influenceuse Chloé Gervais harcelée en ligne après avoir accusé le compte «Abregefrere» de contribuer à la misogynie

Dans un nouvel exemple de déferlement de haine sur les réseaux sociaux, la créatrice subit une vague d’attaques sexistes depuis qu’elle a accusé le compte TikTok à plus d’un million d’abonnés de normaliser le fait de demander aux femmes de se taire.
Chloe Gervais au Grand Rex à Paris, le 15 janvier 2024. (Jérôme Domine/ABACA)
publié le 21 février 2024 à 20h55

Ils auraient difficilement pu davantage lui donner raison. Depuis plusieurs jours, l’influenceuse Chloé Gervais subit une énorme vague de cyberharcèlement après avoir accusé un compte TikTok de contribuer à un environnement misogyne sur les réseaux. Un déferlement de commentaires sexistes visant la tiktokeuse aux plus de 600 000 abonnés sans doute décuplé par les rumeurs lui prêtant une relation avec le premier youtubeur français, la mégastar Squeezie.

Tout est parti d’un compte sur le réseau social TikTok, «Abregefrere». Créé en janvier, son concept est simple : condenser des vidéos jugées trop longues pour les résumer en quelques secondes, avant de se targuer d’avoir fait économiser aux spectateurs plusieurs minutes de visionnage. Le tout porté par un vidéaste à l’air blasé et à la voix monocorde pour marquer l’agacement. «Temps cumulé gagné : 2h54m17s», vante sa description sur TikTok.

En quelques semaines seulement, le compte engrange plus d’un million d’abonnés. Mais sa pratique, qui peut paraître amusante au premier regard, a mené à de très nombreux commentaires demandant «d’abréger», parfois de manière violente, sous les vidéos de créateurs de contenus – et surtout de créatrices. Une vague de commentaires négatifs que n’ont pas manqué de relever et dénoncer plusieurs femmes.

Parmi elles, Chloé Gervais pointe samedi 17 février deux options qui expliqueraient l’absence de réactions de la part d’Abregefrere face à ces comportements : «A minima, tu t’en bats les couilles que ton contenu a normalisé – ou en tout cas les gens qui te suivent et qui t’adorent ont normalisé – le fait de dire à des meufs qui font leurs petites story time de fermer leur bouche», propose-t-elle. Et «a maxima ça me dit que tu es un gros misogyne», poursuit Chloé Gervais en vidéo.

Des propos que plusieurs utilisateurs ont manifestement peiné à comprendre, quand plusieurs vidéos d’Abregefrere «abrégeaient» aussi des contenus réalisés par des hommes. Ou quand le créateur n’a jamais lui même eu de comportement directement misogyne. Pour d’autres, ces accusations ont représenté une raison apparemment suffisante pour contribuer à une vague de harcèlement immense contre la jeune femme.

Parmi la pluie d’insultes d’une rare violence, certaines se démarquent, impliquant le vidéaste et compagnon supposé de Chloé Gervais, Squeezie. La relation semble même alimenter la haine à l’égard de l’influenceuse, tant le nom du vidéaste star ressurgit fréquemment.

Si bien que ce dernier a fini par prendre la parole sur X (ex-Twitter) mardi 20 février pour défendre la jeune femme : «Ici il y a 5 % de types drôles et le reste vous passez votre temps à harceler, à vous acharner, à être misogyne, à déformer des propos, à répandre de la merde, et vous croyez encore qu’on en a quelque chose à foutre de vous», assène-t-il sèchement.

Des réseaux sociaux «intrinsèquement masculinistes»

De son côté, Chloé Gervais a pourtant depuis multiplié les vidéos pour clarifier ses propos, allant jusqu’à justifier une surreprésentation de vidéos féminines «abrégées» par un format de storytime – où les vidéastes racontent leur vie – lui-même plutôt long et féminin selon elle. «Ce que je lui reproche, c’est qu’il a créé malgré lui une immense vague de harcèlement et de misogynie sur les réseaux», précise-t-elle.

«Quand tu as des centaines de mecs qui se ramènent sous les commentaires de tes TikTok du jour au lendemain pour t’insulter ou pour te dire de fermer ta gueule tout en mentionnant Abregefrere, c’est dur à vivre, et ça s’appelle du harcèlement», appuie la créatrice.

Malheureusement, le phénomène n’a rien d’isolé. Début 2023, le Haut Conseil à l’égalité avait alerté sur la «situation alarmante» concernant l’état du sexisme en France, avec des réseaux sociaux «intrinsèquement masculinistes». L’instance déplorait par exemple des algorithmes Instagram «qui vont censurer des propos féministes, et laisser passer des propos sexistes».

En novembre, l’organisme indépendant publiait cette fois une enquête intitulée «La femme invisible dans le numérique». On y apprenait, entre autres, que 42 % des séquences d’humour et de divertissement publiées sur TikTok contenaient des représentations dégradantes des femmes.