Le cinéaste Benoît Jacquot, accusé de violences sexuelles par l’actrice Judith Godrèche, doit être présenté ce mercredi 3 juillet à la justice au terme de quarante-huit heures de garde à vue, tandis que Jacques Doillon, également accusé par l’actrice, a été relâché sans poursuites, a-t-on appris ce mardi. Les deux cinéastes, qui contestent les accusations, avaient été convoqués avec leurs avocates lundi matin à la Brigade de protection des mineurs (BPM). L’avocate de Jacques Doillon, Me Marie Dosé, a confirmé que son client avait été relâché sans poursuites. Elle n’a pas souhaité commenter cette décision. Benoît Jacquot passe donc une deuxième nuit en garde à vue avant d’être présenté à un juge en vue d’une éventuelle mise en examen ce mercredi matin, a précisé une source proche du dossier.
Les deux cinéastes ont été entendus dans une enquête du parquet de Paris ouverte pour viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, viol, violences par concubin et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité. Les avocates de Benoît Jacquot, Me Julia Minkowski, et de Jacques Doillon ont dénoncé l’atteinte à la présomption d’innocence de leurs clients lors de leur audition.
Jacques Doillon «aurait dû être entendu dans le cadre d’une audition libre au vu de l’ancienneté des faits, de leur prescription acquise depuis plus de deux décennies, et de l’inéluctable classement sans suite qui clôturera cette enquête», avait souligné Me Dosé. Me Minkowski a quant à elle déploré «l’ensemble de ces dysfonctionnements de la justice, à la faveur d’une ultramédiatisation qui emporte des dérives inadmissibles».
Pour les avocates, une «critiquable» garde à vue
Pour Me Marie Dosé, avocate de Jacques Doillon qui réfute tous ces accusations en bloc, «aucun des critères légaux ne saurait justifier cette mesure» de garde à vue «trente-six ans» après les faits dénoncés par Judith Godrèche. Son client «aurait dû être entendu dans le cadre d’une audition libre au vu de l’ancienneté des faits, de leur prescription acquise depuis plus de deux décennies, et de l’inéluctable classement sans suite qui clôturera cette enquête», avait souligné l’avocate dans un communiqué. Me Julia Minkowski a de son côté dénoncé une «critiquable» garde à vue, affirmant également qu’«une audition libre aurait dû être décidée». Les deux avocates ont dénoncé les «atteintes à la présomption d’innocence» de leurs clients et la médiatisation de ces mesures.
Lundi matin, Judith Godrèche a réagi via une photo postée sur son compte Instagram. Sur celle-ci, on la voit assise à côté de Benoît Jacquot. La publication est accompagnée d’un texte long de dix lignes : «Je pleure. Mes yeux ne sont plus des yeux. […] Je ne sais pas si j’ai la force mais je l’aurai. Je l’aurai, je l’aurai.» L’avocate de Judith Godrèche, Me Laure Heinich, n’a, elle, pas souhaité commenter, rappelant le secret de l’enquête.
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Début février, l’actrice de 52 ans a déclenché une nouvelle tempête dans le #MeToo français en accusant successivement Benoît Jacquot de viols puis Jacques Doillon d’agression sexuelle, et en portant plainte dans la foulée. L’enquête du parquet de Paris porte sur les infractions de viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, viol, violences par concubin et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité.
Une relation d’«emprise» et de «perversion»
Benoît Jacquot et la comédienne, alors âgée de 14 ans, ont débuté leur relation au printemps 1986. Ils ont vécu ensemble, achetant un appartement dans Paris, jusqu’à leur séparation en 1992. L’actrice a évoqué une relation d’«emprise» et de «perversion» avec le cinéaste de 25 ans son aîné. S’agissant de Doillon, l’actrice l’accuse le cinéaste de lui «avoir mis les doigts dans la culotte» pendant des essais pour un film sorti en 1989. Elle avait alors 15 ans et était en couple avec Benoît Jacquot.
Deux autres actrices ont porté plainte contre Benoît Jacquot : Julia Roy, 42 ans de moins que lui, pour agression sexuelle dans un «contexte de violences et de contrainte morale qui a duré plusieurs années», d’après une source proche du dossier. Isild Le Besco a également déposé plainte fin mai pour viols sur mineure de plus de 15 ans et viols, qui auraient été commis entre 1998 et 2007. Cette dernière a également indiqué avoir dû subir les avances de Jacques Doillon pendant des séances de travail, tandis que l’actrice Anna Mouglalis a accusé le cinéaste de l’avoir embrassée de force à son domicile en 2011.
Enquête parlementaire stoppée net
Cette nouvelle vague de dénonciations dans le #MeToo français a mis en ébullition le cinéma français dès le début de l’année et ainsi ébranlé la cérémonie des césars, mais aussi le Festival de Cannes. Une commission d’enquête sur les violences sexuelles dans le cinéma, l’audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité avait débuté en mai mais a été stoppée net après la dissolution début juin de l’Assemblée nationale.
Les accusations, elles, ne cessent pas : vendredi encore, Dominique Boutonnat, l’un des hommes les plus puissants de la profession, a quitté la tête du Centre national du cinéma (CNC) après sa condamnation pour agression sexuelle. Quant à Gérard Depardieu, il doit être jugé en octobre à Paris pour agressions sexuelles sur deux femmes, et risque un procès pour viol sur une troisième.
Mise à jour mardi 2 juillet à 10 h 45 avec la poursuite de la garde à vue et davantage de détails ; à 21 h 20 avec la libération de Doillon et la présentation de Jacquot à un juge.