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Inégalités

Numérique : les femmes prises dans le «cercle vicieux» du sexisme, dénonce le Haut Conseil à l’Egalité

L’institution indépendante a rendu mardi 7 novembre un rapport sur le sexisme dans le secteur des nouvelles technologies et sur internet. Il pointe encore un trop faible nombre de femmes pour faire évoluer ce domaine pourtant crucial.
Moins d'un tiers des personnes travaillant dans le numérique en France en 2020 étaient des femmes. (Artur Widak/NurPhoto. AFP)
publié le 7 novembre 2023 à 15h22

Le constat saute aux yeux en naviguant sur les réseaux sociaux et les grandes plateformes du web : l’image des femmes en ligne est déplorable, «invisibles ou stéréotypées», selon le rapport du Haut Conseil à l’Egalité (HCE) remis ce mardi 7 novembre à la ministre chargée de cette thématique, Bérangère Couillard.

Dans son enquête intitulée «La Femme Invisible dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme», l’instance indépendante revient d’abord sur les cent contenus les plus populaires de YouTube, Instagram et TikTok, le bilan est rude. Seules 8 % des vidéos analysées sur YouTube sont faites par des femmes. Dans un autre genre, TikTok ne fait guère mieux, avec 42 % de séquences d’humour et de divertissement contenant des représentations dégradantes des femmes.

Mais le problème prend racine bien avant les contenus problématiques qui traînent sur le web. Dans le monde professionnel, seuls 29 % des effectifs du numérique en France étaient des femmes en 2020, dont 16 % dans les métiers techniques et 22 % dans les postes de direction, note le Haut Conseil à l’Egalité, qui regrette que les femmes soient «repoussées à la périphérie des avancées technologiques qui façonnent notre avenir».

Avant même d’arriver sur le marché de l’emploi, les femmes ne représentent déjà plus, dans l’enseignement supérieur, que 31 % des inscrits dans des formations en sciences fondamentales et 23 % en informatique selon le rapport. En cause selon le HCE, «un manque de modèles féminins et un frein à l’orientation par l’entourage, mais aussi par peur du sexisme».

«Les images véhiculées dans le numérique laissent penser que les femmes ne sont pas faites pour des métiers scientifiques. Elles sont caricaturées comme des idiotes et des bimbos. Moins les filles étudient le numérique, moins les entreprises peuvent en embaucher», commente la présidente du Haut Conseil à l’Egalité.

«La France est très en retard»

Une dynamique d’autant plus regrettable qu’elle a un effet direct et négatif sur le secteur. Car dans un monde d’hommes, qui produisent des technologies selon leur propre vision, on peut par exemple vite se retrouver avec des IA sexistes (ou racistes – car l’ingénieur type est un homme, mais il est aussi blanc).

A noter que l’Hexagone ne brille guère. «La France est très en retard. De nombreux pays, dont la Chine et l’Inde, ont plus de femmes dans le secteur numérique», explique Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du HCE.

Des pistes d’amélioration sont toutefois avancées par le Haut Conseil à l’Egalité. Du côté des réseaux et de la représentation des femmes en ligne, l’instance préconise que les plateformes soient astreintes à rendre des «rapports d’auto-évaluation» annuels sur la place des femmes, sous la supervision de l’Arcom (Autorité de régulation de l’audiovisuel et du numérique) – comme doivent déjà le faire les chaînes de télévision et de radio. D’autres idées sont envisagées, comme la garantie par les plateformes d’un minimum de 30 % de créatrices et de 30 % de contenus créés par des femmes sur le volume total des vidéos postées.

Concernant la filière dans son ensemble, le HCE recommande des «quotas de filles», au lycée comme dans l’enseignement supérieur, et un «système de bonification» dans Parcoursup afin de favoriser les candidatures des filles. En amont, c’est l’accueil d’un minimum de 40 % des filles dans le numérique en stage de classes de troisième et de seconde qui est souhaité pour pallier les inégalités au sein du secteur. «C’est injuste car les filles n’ont pas accès à ces métiers d’avenir. Et les entreprises qui manquent de main-d’œuvre sont privées d’un réservoir de compétences», estime Sylvie Pierre-Brossolette.