Ce n’est que la huitième tentative législative de faire adopter la défiscalisation des pensions alimentaires. Et peut-être enfin la dernière ? L’amendement, déposé par le socialiste Philippe Brun aux côtés d’autres députés PS et apparentés, a franchi une nouvelle étape. Ballottée au gré de l’instabilité gouvernementale et du chaos budgétaire, cette mesure a été adoptée en commission des finances, ce lundi 20 octobre au matin, dans le cadre de l’examen du budget 2026. Une étape qui n’a pas d’effet concret sur le texte du projet de loi de finances en lui-même mais qui augure d’une probable majorité à l’Assemblée lorsqu’aura lieu l’examen du texte, à partir de vendredi.
Réclamée de longue date, cette défiscalisation vise à rétablir une équité fiscale entre les parents séparés. Actuellement, celui chargé de verser la pension alimentaire – dans 97 % des cas le père, selon le Haut Conseil de la famille – bénéficie d’un avantage fiscal : la somme versée est déductible de ses impôts. A contrario, le parent ayant la garde de l’enfant après la séparation – la mère dans la majorité du temps – doit ajouter les pensions alimentaires à son revenu imposable.
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En d’autres termes, la disposition actuelle peut engendrer une augmentation des impôts de la mère, quand les pères retirent un bénéfice financier pour avoir simplement rempli leur obligation de participer à subvenir aux besoins de leur enfant. Cet amendement, s’il est adopté en séance, vise à supprimer ces deux dispositions, et ainsi une aberration patriarcale lorsque l’on sait que 83 % des familles monoparentales sont portées par des femmes, selon les données de la Drees publiées en janvier, et que 40 % des enfants issus de ces foyers vivaient, en 2018, sous le seuil de pauvreté.
Financée par l’augmentation de la taxe sur les tabacs, cette défiscalisation serait possible dans la limite de 4 000 euros par enfant et par an, plafonnée à 12 000 euros annuels. Une limite allant au-delà de la contribution moyenne versée, s’élevant à 170 euros mensuels. Mis face aux 650 euros par mois nécessaires en moyenne pour subvenir aux besoins d’un enfant, selon l’évaluation réalisée par l’Insee et la Fondation des femmes en 2023, ce seul chiffre témoigne de la trajectoire de précarisation féminine en cas de séparation. «Ce seuil a été fixé pour éviter les effets d’aubaine de personnes très riches cherchant à faire de l’optimisation fiscale», précise Philippe Brun.
«Cette fois-ci, ce sera la bonne»
Le député socialiste espère que ce nouveau feu vert augure cette fois-ci d’une adoption définitive. Cette mesure, votée il y a un an à l’Assemblée nationale, sous le gouvernement Barnier, a été enterrée par la valse de l’exécutif ayant mené à l’adoption, par le biais du 49.3, de la copie budgétaire de François Bayrou. «Cette fois-ci, ce sera la bonne. Il n’y aura pas de 49.3 pour la première fois et l’idée a fait son chemin. L’année dernière, la proposition avait fait beaucoup de bruit quand elle avait été adoptée dans le projet de loi de finances, une première», espère Philippe Brun.
Le député est d’autant plus optimiste que, cette année, «un dispositif plus favorable aux pères» a été prévu, en leur accordant une demi-part fiscale. «Ils se retrouvaient à avoir une double peine, à la fois la fiscalisation de la pension et la perte de la demi-part quand ils n’ont pas la garde des enfants. Ce sera comme si les deux parents étaient restés en couple. Nous espérons que le Sénat adoptera cette disposition conforme», ajoute le socialiste.
Dispositif qui «creuserait les inégalités»
Mais c’est là que le bât blesse. Cette nouvelle copie instaure une «nouveauté injuste et inquiétante», selon le collectif Mères déters, qui appelle les parlementaires, dans un communiqué de presse envoyé mercredi 22 octobre, «à rejeter cet amendement en l’état et à le modifier afin de supprimer la demi-part fiscale supplémentaire accordée au parent non gardien». Calculs à l’appui, le collectif dénonce un dispositif qui «creuserait les inégalités» plutôt que les corriger : «A salaire égal avec le coparent, avec une pension alimentaire moyenne de 190 euros et un enfant, de 30 000 à 60 000 euros de revenus annuels, cette réforme ferait gagner aux mères de 44 euros à 549 euros contre 554 euros à 1 107 euros pour les pères.»
Cette mesure est particulièrement scrutée par les associations de familles monoparentales, alors que la réforme du complément de libre choix du mode de garde a finalement, elle aussi, encore fragilisé ces familles. En cause notamment, un nouveau calcul par part fiscale et la suppression de la majoration de 30 % accordée aux parents isolés au terme des douze mois suivant la séparation, entrés en vigueur au 1er septembre. Dans le cadre du projet de loi de finances de la Sécurité sociale, les socialistes déposeront un amendement pour obliger à l’adoption d’un nouveau décret, face à cette copie «particulièrement défavorable».
Mis à jour le 22 octobre à 15 h 30 avec l’ajout du communiqué du collectif Mères déters.