Le constat est accablant. Selon une enquête de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) publiée ce mercredi, près de neuf femmes cadres sur dix (86%) estiment que les inégalités par rapport aux hommes n’ont pas diminué au cours des cinq dernières années dans les entreprises. Les hommes cadres n’ont pas la même perception : 41% assurent avoir «perçu une réduction des inégalités» durant cette période, selon ce sondage mené en février sur 1 000 cadres en poste dans le secteur privé. «Notre étude agit comme un révélateur des inégalités. On se rend compte que les choses avancent, mais qu’elles ne progressent pas assez vite», explique à Libération Christine Lê, présidente du conseil d’administration de l’Apec, pour qui cette étude, menée tous les ans, permet de «mieux combattre les inégalités et sensibiliser les entreprises». Anne-Sophie Panseri, membre du bureau national de l’organisation FCE (Femmes chefs d’entreprises) France, voit dans ce résultat le signe de «l’impatience des femmes» vis-à-vis des objectifs d’égalité, qui figurent pourtant dans la loi.
Principal sujet de préoccupation : la rémunération des femmes. Selon l’étude, 50% des cadres considèrent qu’il existe dans leur entreprise des inégalités salariales entre hommes et femmes à compétences et poste équivalents. A raison : en 2019, le salaire médian des femmes cadres s’élevait à 46 000 euros brut par an, contre un peu plus de 52 000 euros pour les hommes, soit un différentiel de 13%, selon l’Apec, qui souligne dans l’étude que «cet écart n’a pas eu tendance à se réduire ces cinq dernières années».
Pas assez de femmes haut placées
La difficulté des femmes cadres à accéder à de hautes fonctions, le fameux «plafond de verre», est également mis en lumière. Pour preuve, selon l’Apec, près d’un tiers des sondés «pensent que les femmes cadres ne sont pas suffisamment représentées dans les fonctions de management au sein de leur entreprise». Près de la moitié des femmes cadres ont également le sentiment qu’elles ne sont pas suffisamment représentées au sein des instances de direction de leur entreprise. Résultat : «Beaucoup de femmes répondent à ces contraintes en créant leurs entreprises ou leur emploi, parce qu’elles ont en assez de ne pas pouvoir évoluer dans un cadre d’entreprise classique, assure Anne-Sophie Panseri. A un moment donné de leur parcours, elles préfèrent se mettre à leur compte.» Selon elle, l’enjeu est donc «énorme» pour les entreprises, qui risquent de voir leurs salariées déserter si elles délaissent la problématique de l’égalité professionnelle.
Enfin, le recours aux quotas pour imposer la parité dans les comités de direction continue également à faire débat chez les cadres. La moitié des femmes y sont favorables (52%), contre un tiers (34%) des hommes.
Si les résultats montrent «qu’il reste encore beaucoup à faire pour réduire ces inégalités», Christine Lê, de l’Apec, reste confiante, et salue les avancées récentes en matière d’égalité professionnelle, avec notamment la mise en place de l’index égalité professionnelle, désormais obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Ce mercredi, sept des huit organisations nationales de salariés ont appelé à «corriger» cet indicateur, pour notamment mieux évaluer les inégalités salariales. En octobre dernier, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, avait promis une concertation avec les partenaires sociaux pour définir un nouvel indicateur permettant de mesurer la part des femmes dans les cadres dirigeants.
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