Jessica, militante dans le collectif #NousToutes, avait préparé un texte à lire ce samedi 14 septembre, sur la place de la République à Paris, lors du rassemblement mis sur pied par plusieurs organisations féministes en soutien à Gisèle Pelicot. Depuis deux semaines, 51 hommes dont son mari, Dominique Pelicot, sont jugés devant la cour criminelle du Vaucluse, quasiment tous accusés de «viols aggravés» sur cette femme, au domicile du couple à Mazan, dont l’histoire est devenue l’un des symboles des violences faites aux femmes en France.
Des rassemblements étaient organisés dans des dizaines de villes françaises, sur la place de la République, quelques milliers de personnes étaient présentes. Devant elles, Jessica décide finalement de ne pas lire le texte qu’elle avait préparé, trop en «colère». «On en a marre de survivre, on a peur tout le temps, on passe notre vie à se demander comment se protéger», scande-t-elle spontanément à la place. Puis, s’adressant aux hommes : «On ne vous reproche pas que d’être des violeurs, on vous reproche de vous taire.»
«Ce procès va faire œuvre de pédagogie»
Un peu plus tôt dans l’après-midi, Giulia Foïs qui a raconté le viol dont elle a été victime dans un livre paru en 2020, Je suis une sur deux, avait également pris la parole : «Moi, il y a vingt-cinq ans, j’ai cru que j’étais la seule à qui il m’était arrivé un truc pareil, maintenant on sait qu’on est des centaines de millions à travers le monde.» Celle qui est journaliste à France Inter souhaite que «ce procès soit un point de départ, un appui pour une seconde étape» dans le mouvement #MeToo. En réponse, une femme présente dans l’auditoire appelle à une «grève générale des femmes, partout, au bureau, dans la rue, au lit». Puis interpelle les personnes autour d’elle à propos de Dominique Pelicot : «Il a donné des cours de viol à ses copains, c’est incroyable, vous avez vu.»
Entre les différentes interventions, des slogans sont criés par la foule : «Victime, on te croit ; violeur, on te voit», «Tu n’es pas seule», «A bas l’Etat, les flics et les violeurs», «On est toutes Gisèle»… Et des pancartes sont brandies : «51 bons pères de famille», «La honte doit changer de camp» avec une photo de Dominique Pelicot.
«Je pense que ce procès va changer l’histoire, je suis ces affaires-là depuis cinquante ans, ce procès va faire œuvre de pédagogie», dit l’écrivaine et figure féministe Florence Montreynaud. Elle tient dans ses mains une banderole de son collectif «Encore féministes !». «C’est la culture du viol qui fait penser à ces hommes que le corps de la femme appartient à son mari, et que si cet homme dit qu’ils peuvent y aller, ils y vont.» La militante se félicite aussi de la volonté de Gisèle Pelicot que le procès soit public : «Cette femme est une héroïne, il faut qu’elle sente qu’on est des millions à la soutenir.»
«Ampleur» et «déni»
«De se mettre comme ça à nu, ce n’est pas évident», relève également Manon, 36 ans, infirmière à l’hôpital public. Un peu à l’écart, Adrien, 38 ans, est venu avec ses deux enfants et pointe, lui, le rôle des hommes dans cette affaire. «Y en a marre de l’impunité des violeurs, de leur tranquillité d’esprit, des soutiens qu’ils reçoivent, cette histoire est affreuse de par son ampleur et par le déni que pas mal d’accusés expriment», dit ce statisticien qui travaille dans une banque.
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Laura, 22 ans, étudiante en lettres modernes, est montée sur un banc et tient au-dessus de sa tête une pancarte avec écrit en lettre bleue : «All men.» «Je viens à chaque rassemblement contre les violences faites aux femmes, mais ce qu’il se passe en ce moment avec le procès m’a encore plus révoltée que d’habitude, confie la jeune femme. C’est tellement choquant.» Laura souligne elle aussi le «courage» de Gisèle Pelicot : «Dans son malheur, elle nous aide toutes.» Quand on lui demande comment la présenter dans l’article, elle répond : «Vous pouvez préciser que je suis également victime et que je suis en soutien infaillible à Gisèle.»