Ils dénoncent une «injustice». Les petits-enfants de la dernière femme exécutée au Royaume-Uni ont demandé mercredi 22 octobre au ministre de la Justice de la gracier à titre posthume, 70 ans après qu’elle a été pendue pour le meurtre de son compagnon violent, ont indiqué leurs avocats. Ruth Ellis, qui avait 28 ans et travaillait comme hôtesse dans une boîte de nuit, a été exécutée en juillet 1955 pour avoir abattu le pilote automobile David Blakely à la sortie d’un bar londonien.
Récit
Quatre des six petits-enfants d’Ellis ont fait cette demande à titre posthume au ministre de la Justice, David Lammy, pour réparer une «injustice», a déclaré Laura Enston, l’une des descendantes âgée de 46 ans. Sa mère, Georgina, n’avait que trois ans lorsque Ruth Ellis fut condamnée.
Condamnée après seulement vingt minutes de délibération
Leur requête s’appuie sur les «violences conjugales physiques, sexuelles et psychologiques répétées et à long terme infligées par Blakely à Ellis», ont déclaré leurs avocats du cabinet Mischon de Reya. Selon eux, son cas serait traité très différemment aujourd’hui par la justice, et elle aurait probablement bénéficié de circonstances atténuantes pour cet homicide.
Ruth Ellis, qui a été pendue à Londres, n’avait montré aucune émotion lors de son procès, et le jury l’avait condamnée à mort après seulement vingt minutes de délibération. «Elle a involontairement joué le rôle de la tueuse au sang-froid qu’on lui avait attribué, mais d’après ce que nous savons aujourd’hui sur les traumatismes», ses réactions étaient typiques «des victimes de violences conjugales», souligne Laura Enston.
Dix jours avant qu’elle ne le tue, David Blakely avait donné un coup de poing dans le ventre de Ruth Ellis, enceinte, provoquant une fausse couche. Selon les confessions de Ruth Ellis, de ses amis, des médecins et de témoins, la jeune femme avait également été agressée en public, poussée dans les escaliers, frappée si fort à l’oreille qu’elle est devenue brièvement sourde, ou menacée de meurtre.
Une histoire clé pour l’abolition de la peine de mort
«A l’époque, personne ne souhaitait donner une chance équitable à Ruth», mère célibataire de deux enfants issue d’un milieu modeste, a estimé sa petite-fille. «Même s’il ne fait aucun doute que Ruth Ellis a tué David Blakely, les preuves attestant de sa vulnérabilité montrent qu’elle n’aurait jamais dû être exécutée», a déclaré l’avocat James Libson.
Cette affaire, qui avait fait grand bruit dans le pays, a été adaptée au cinéma en 1985 sous le titre de Un crime pour une passion (Dance with a Stranger), avec Miranda Richardson et Rupert Everett, et plus récemment dans Un amour cruel : l’histoire de Ruth Ellis.
A l’époque, sa pendaison avait provoqué un tollé et contribué à faire basculer l’opinion publique contre la peine de mort. A la suite d’un certain nombre d’autres exécutions controversées et d’une série d’erreurs judiciaires, la peine de mort avait été définitivement abolie pour meurtre en 1969. Deux ans après l’exécution d’Ellis, la loi avait également été modifiée pour permettre la défense de responsabilité diminuée. Cependant, cette demande n’est pas la première du genre pour les enfants et petits-enfants de Ruth Ellis qui ont déjà échoué à faire annuler sa condamnation en 2003 devant la Cour d’appel.