L’épilogue de plus d’une décennie d’incertitude. A Geoje, près de Busan dans le sud-est de la Corée du Sud, la police a annoncé avoir arrêté un homme soupçonné d’avoir tué sa petite amie il y a seize ans. L’affaire remonte à une soirée d’octobre 2008. Le couple se dispute au domicile de l’homme. Celui-ci aurait ensuite frappé mortellement sa partenaire à l’aide d’un objet contondant. Toujours selon la police, il aurait placé le corps dans un grand sac de voyage sur son balcon, empilé des briques par-dessus et versé sur le tout une couche de ciment de 10 cm d’épaisseur.
La victime, qui avait totalement rompu contact avec sa famille, n’avait été portée disparue que trois ans plus tard, en 2011. Pendant l’enquête, l’homme avait dit aux policiers que sa compagne était partie à la suite d’une rupture, et l’affaire avait été classée faute d’indices.
#MeToo
En 2016, l’homme avait quitté son domicile après avoir été arrêté dans une affaire de drogue et, depuis, l’appartement était resté inoccupé, son propriétaire ne l’utilisant que comme espace de stockage. Rebondissement en août 2024 lorsqu’un plombier qui effectuait une recherche de fuite a percé le tombeau improvisé et a découvert le cadavre enterré.
Interrogé par les enquêteurs, le meurtrier présumé, âgé d’une cinquantaine d’années, a avoué son crime et sera prochainement déféré auprès du procureur, a précisé ce responsable.
Les féminicides en Corée du Sud, un sujet encore tabou
Le meurtre s’inscrit dans un contexte plus large des violences subies par les femmes dans la société coréenne. Sur la totalité des crimes violents enregistrés en 2021, les coréennes représentent la plus grande part de victimes, soit 89 % selon le service Coréen d’information statistique, contre environ 50 % aux Etats-Unis. Une violence caractérisée qui prend souvent la forme de féminicides.
Il y a deux ans jours pour jours, un féminicide avait profondément choqué le pays. Une employée de Séoul avait été tuée dans les toilettes d’une station de métro par un collègue, celui-ci la harcelait depuis plusieurs années. Un événement qui avait déclenché une vague de protestation dans tout le pays pour dénoncer ce crime, mais aussi plus largement les violences sexistes et sexuelles.
Une femme est tuée ou risque d’être tuée par un partenaire toutes les 19 heures, a rapporté l’association coréenne en aide aux victimes, Korea Women’s Hot-Line lors d’une étude réalisée en 2023. Face à ces risques de violences, les femmes coréennes ont même inventé leur propre pratique. La «rupture sécurisée», une pratique qui consiste à rompre avec son partenaire dans un lieu public, donc avec de nombreux témoins afin d’éviter de possibles violences.
Les statistiques gouvernementales qui portent sur les violences faites aux femmes - et les féminicides particulièrement - n’existent pas dans le pays. Les décomptes reposent donc sur les collectifs et associations féministes.
Une prise en charge hésitante par le gouvernement, mais aussi par l’appareil judiciaire. Par exemple, jusqu’en juin 2021 le harcèlement n’était pas considéré comme un crime. La loi a par la suite été modifiée pour que le coupable soit condamné, et ce, même sans l’accord de la victime (ce qui n’était pas le cas avant). Avant la modification de la loi, le harceleur devait payer une amende de 72 euros. Concernant les féminicides ou les violences conjugales, la Corée du Sud ne dispose d’aucune législation particulière.