Les mots s’égrènent sur les briques rouges. «Suicide forcé», «violence physique», «dévalorisation», «humiliation». Cinq lettres, un prénom : Karel. En cettenuit d’août, Julia, 37 ans, virevolte avec une amie d’un bout à l’autre de la médiathèque de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), marouflette en mains. Ce collage, la militante féministe le préparait depuis des mois. Une quarantaine de feuilles, plusieurs litres de colle pour une fresque de plusieurs mètres représentant «tout ce que Karel a subi». Il est venu compléter une rue aux allures de mémorial pour son amie. «Depuis son décès, je ne colle plus que pour elle», avance Julia, qui avait lancé avec Karel un mouvement de collages sur l’île de Saint-Martin, où elles se sont rencontrées en juillet 2020. Après près de deux ans de violences, notamment psychologiques, infligées par son conjoint, Karel s’est suicidée le 25 septembre 2021 au Canada, où cette brillante doctorante suisso-portuguaise résidait. Elle avait 30 ans.
Elles sont nombreuses ces oubliées, ces invisibles menées à la mort. Selon les conclusions d’un rapport du Projet européen sur les sui