Menu
Libération
Droit de suite

A l’Immaculée Conception de Pau, le directeur d’établissement sanctionné après les atteintes à la laïcité

Après une enquête de «Libération» en février révélant les dérives intégristes au sein du groupe scolaire catholique qu’il dirigeait, Christian Espeso ne pourra plus exercer comme directeur pendant trois ans, jusqu’à sa retraite. Son avocat veut saisir le tribunal administratif.
Le directeur de l'établissement, Christian Espeso, en mars à Pau. (Quentin Top/Hans Lucas. AFP)
publié le 11 septembre 2024 à 15h11

Sept mois après l’enquête de Libération sur les dérives intégristes et d’atteintes à la laïcité au sein de l’Immaculée Conception à Pau, le plus grand établissement privé sous contrat du Béarn, la rectrice de Bordeaux, Anne Bisagni-Faure, a sanctionné Christian Espeso, 61 ans, le chef de ce groupe scolaire, reçu ce mercredi 11 septembre à l’inspection académique de Pau. Nommé il y a onze ans à «l’Immac» par monseigneur Aillet, l’évêque ultraconservateur de Bayonne, Lescar et Oloron (Pyrénées-Atlantiques), il a désormais l’interdiction de diriger un établissement pendant trois ans, jusqu’à sa retraite donc. Une sanction rare, décidée de façon «individuelle» par la rectrice après l’inspection menée à l’Immaculée Conception du 4 au 16 avril, puis la convocation de Christian Espeso le 29 août lors d’un entretien disciplinaire. Ce dernier peut toujours continuer d’exercer comme enseignant ou à un poste administratif, dans cet établissement scolaire privé ou un autre, sauf si la direction diocésaine de l’enseignement catholique décide du contraire.

«On pleure de joie, réagit une enseignante mobilisée. L’institution a enfin décidé de mettre en œuvre son autorité pour assurer le bon fonctionnement du service public, du respect de la loi, du contrat d’association et de ce qui peut être attendu en termes de politique managériale. Cela montre surtout qu’on dit la vérité depuis le départ, qu’il ne s’agit pas d’un conflit de personne.» Le noyau de professeurs mobilisés, sur les 250 que compte l’établissement, avait déjà signalé au rectorat de Bordeaux, en décembre 2020, 19 atteintes à la laïcité mêlant confessions et sacrements dispensés sur les heures de cours, catéchisme obligatoire dans certaines classes ou censure d’ouvrages.

Dénonçant une «chasse à l’homme», Me Thierry Sagardoytho, l’avocat de Christian Espeso, salue «cet homme qui a dédié sa vie professionnelle à l’enseignement catholique et aux valeurs républicaines […] sacrifié sur l’autel expiatoire des attaques récurrentes contre l’enseignement privé. Il est préjudiciable que l’idéologie gauchiste de quelques-uns ait primé sur l’excellence de l’éducation dispensée par la communauté éducative de l’établissement». Me Thierry Sagardoytho compte saisir le tribunal administratif de Bordeaux pour recours en annulation pour «excès de pouvoir» du rectorat via un «référé-suspension».

Même indignation du sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson face à ce qu’il estime être «une décision outrancière de la direction académique des services de l’éducation nationale», a-t-il réagi dans un communiqué et sur les réseaux sociaux. Cet ancien inspecteur général de l’éducation nationale et vice-président de la commission éducation au Sénat défend Christian Espeso, un chef «sanctionné pour avoir la paix avec ceux qui veulent par dogmatisme relancer la guerre scolaire et prônent une laïcité intraitable avec les catholiques et conciliante avec les islamistes ?» Ce à quoi Jérôme Marbot, premier secrétaire fédéral du parti socialiste dans les Pyrénées-Atlantiques rétorque sur X (anciennement Twitter) : «Les LR qui vous expliquent que la République n’est jamais assez dure avec les délinquants mais que c’est vraiment trop injuste de sanctionner un directeur d’école qui ne respecte pas les règles du jeu.»