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Allongement du temps de présence au collège : les syndicats dénoncent «la méthode» de Macron

En déplacement à Marseille, le Président a annoncé lundi 26 juin vouloir augmenter les plages horaires des collégiens des zones prioritaires. Si la mesure est censée réduire les inégalités, le personnel éducatif évoque un effet d’annonce et déplore de ne pas avoir été concerté.
Emmanuel Macron, avec le maire marseillais, Benoit Payan, et du ministre de l'Education, Pap N'Diaye, en visite à l'école Saint-André de la Castellane à Marseille mardi. (Théo Giacometti/Hans Lucas pour Libération)
par Alexis Pfeiffer
publié le 27 juin 2023 à 18h30

Au collège de 8 à 18 heures. Voilà le remède prescrit par Emmanuel Macron lundi 26 juin, alors en déplacement à Marseille, pour lutter contre le décrochage scolaire dans les quartiers d’éducation prioritaires. «L’inégalité scolaire se crée dans ces temps où l’enfant a été renvoyé chez lui», estime le chef de l’Etat. Objectif affiché par l’Elysée : empêcher les errances de certains enfants dans la rue en renforçant leur accompagnement, notamment en ce qui concerne l’aide aux devoirs, grâce notamment à quatre heures supplémentaires par semaine. Marseille est présenté comme un «avant-poste», avant que le dispositif soit élargi à 30 cités éducatives (ces établissements visant à dynamiser les zones prioritaires), une par académie, pour 2023-2024. Le gouvernement espère ainsi, d’ici 2027, une généralisation à l’ensemble de ces lieux en France, regroupant près de 900 000 élèves.

Acte fondateur ou simple effet d’annonce ? Du côté des syndicats de l’éducation, on penche pour la seconde option. «Le président de la République est dans la communication, déplore Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa Education. On a l’impression que cette situation n’avait jamais été analysée, que le problème du décrochage scolaire n’avait jamais été soulevé… Et qu’aujourd’hui Emmanuel Macron a trouvé la solution magique.» Carole Zerbib, membre exécutif du syndicat des personnels de direction, le SNPDEN-Unsa, abonde : «La méthode ne va pas. Plus on hurle et plus ça continue. La problématique des inégalités n’est pas nouvelle, mais avant de faire ce genre d’annonce, on ne peut pas réfléchir à la faisabilité et la cohérence ? Nous avons du mal à comprendre.»

Concilier avec le reste

Pour les syndicats, ce genre d’initiative devrait être traitée au cas par cas. Dans les faits, cette mesure annoncée empiète sur le dispositif «Devoirs faits» (un temps d’aide en fin de journée, majoré financièrement pour les professeurs, dédié à l’aide des tâches à réaliser chez soi pour les cours à venir), dont l’application n’est pas systématique. «Que fait-on ? On le supprime ? On l’ajoute par-dessus ?» s’interroge Carole Zerbib. L’Elysée affirme de son côté avoir conscience de «la pluralité des possibilités en fonction des projets locaux».

«Certains collégiens finissent vers 15h30 ou 16h30… Que feront-ils durant ce laps de temps ?» interpelle Sophie Vénétitay, professeure de SES et secrétaire générale du syndicat Snes-FSU. Le gouvernement évoque deux heures dédiées au sport avec l’Union nationale du sport scolaire, ainsi que des activités et des ateliers mis en place par des associations et les collectivités territoriales.

«On ne doit pas garder pour garder»

Carole Zerbib, qui a arpenté dix-sept ans durant les zones prioritaires du nord de la Seine-Saint-Denis avant d’exercer à Paris, attend de voir. Elle plaide pour une réelle prise en charge des élèves : «Si on les met dans la cour de récréation pour taper dans un ballon, ça n’a pas grand intérêt. On ne doit pas garder pour garder.» Le rôle des professeurs n’a quant à lui pas été explicité, alors même que le remplacement des professionnels absents n’est pas toujours assuré – une situation à laquelle Emmanuel Macron a réaffirmé lundi vouloir remédier. «Mais là aussi, il ne prend pas en compte la vraie vie des établissements. Il est impossible que, dans certains cas, ce ne soit pas un surveillant qui s’occupe d’une classe», précise Frédéric Marchand. Une ouverture prolongée conduirait également à une mobilisation plus forte du reste du personnel : les conseillers principaux d’éducation, le chef d’établissement, les services d’entretien…

Dernier point de crispation évoqué par les syndicalistes : les liens avec le tissu associatif. «Il arrive qu’à la sortie du collège, certaines associations et certains clubs sportifs aient mis des choses en place, note Frédéric Marchand. Ces gamins de quartier ont leurs habitudes dans des dispositifs qui ont été pensés pour eux.» Selon Sophie Vénétitay, cest plutôt vers cette optique que doit tendre l’investissement public. A voir, désormais, comment ces projets extrascolaires parviendront à s’intégrer au sein de la nouvelle mesure qui, sur le papier, ne souhaite pas mettre les associations sur la touche. «Je suis bien consciente des inégalités auxquelles sont sujets les plus jeunes dans les quartiers, assure Carole Zerbib. Cette volonté de la combattre est louable mais, la prochaine fois, nous aimerions surtout être concertés.»