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Education nationale

«Après dix ans de carrière, je sais que ma démission est proche» : sur la plateforme «J’alerte», le mal-être enseignant s’exprime

Manque de moyens et d’écoute de la part de l’administration, classes surchargées, perte d’attractivité… Quatre mois après le lancement de la plateforme de la FSU-SnuIPP, les témoignages n’ont cessé d’affluer.
Dans une école de Mulhouse (Alsace) en septembre 2023. (Sébastien Bozon/AFP)
par Yassine Karchi
publié le 21 mars 2024 à 15h48

«988 euros net. […] Quand on touche un salaire aussi minable, le moindre centime compte. […] Cette situation est indigne de l’Education nationale», témoigne un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH). «Des classes surchargées avec des élèves à besoin éducatifs particuliers de plus en plus difficiles à prendre en charge», décrit un enseignant. Un autre raconte : «On croule sous le travail, on ne peut absolument pas respecter les programmes, ils changent tout le temps, on nous impose des choses au dernier moment.» «Après dix ans de carrière, je sais que ma démission est proche», se résigne un professeur des écoles en Dordogne. Depuis que la FSU-SnuIPP a lancé son espace dédié au personnel scolaire en décembre, les témoignages sur les difficultés et la réalité du terrain affluent.

«Forte dégradation des conditions de travail»

Manque de moyens, classes surchargées, perte d’attractivité ou encore manque de remplaçants, les conditions de travail se dégradent dans le premier degré depuis plusieurs années. Le personnel de l’éducation s’était notamment mobilisé le 1er février, et récemment le 19 mars pour les dénoncer. Malgré une détresse incessante, «l’administration ne semble pas prendre la mesure de la situation», accuse le premier syndicat de l’école publique. Mi-décembre, la FSU-SnuIPP décidait alors de lancer sa plateforme «J’alerte» pour recueillir la parole de ceux qui souffrent en travaillant à l’école. Quatre mois plus tard, la fédération fait son bilan lors d’une conférence de presse. Plus de 4 200 personnes ont répondu à la consultation.

«Tous les témoignages convergent vers la forte dégradation des conditions de travail», constate la cosecrétaire générale de la FSU-SnuIPP, Guislaine David. Pour cause, 46 % des professeurs des écoles ayant témoigné alertent sur les effectifs des classes trop chargés. La dirigeante syndicale évoque notamment les manques de remplacement qui s’accumulent. Les conditions de mise en place de l’inclusion à l’école deviennent également compliquées, dénoncent plus de 70 % des répondants. Un enseignant relatait ainsi sur la plateforme que «la gestion des élèves à troubles de comportement est extrêmement difficile», pointant du doigt l’absence de moyens accordés par son ministère.

«Une hiérarchie qui ne soutient pas, qui ne veut pas voir le mal-être»

Le choc des savoirs «pèse également sur les écoles», rappelle Guislaine David, qui s’inquiète de la labellisation des manuels scolaires. Le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, avait annoncé qu’une procédure sera bien mise en place afin de garantir la conformité des manuels aux programmes scolaires. Pour la rentrée 2024, elle ne concernera a priori que les manuels de lecture et de mathématiques en CP, voire en CE1. Toutefois, la cosecrétaire générale y voit «une atteinte à la liberté pédagogique». 60 % des personnes qui ont témoigné demandent ainsi à la respecter.

«L’école souffre de dysfonctionnements et de désengagements de la part du gouvernement», cingle la responsable syndicale. Face une situation alarmante, «trop souvent l’administration de l’Education nationale ne répond pas aux difficultés», déclare la FSU-SnuIPP. 34 % des répondants alertent notamment sur les relations avec le ministère. «Une hiérarchie qui ne soutient pas, qui ne veut pas voir le mal-être», dépeint un professeur des écoles. Face à ce manque d’écoute, les répondants ont quand même des attentes prioritaires, la principale étant une hausse salariale (78 %), en dépit du pacte enseignant. 64 % d’entre eux appellent à diminuer les effectifs dans les classes. Pour Guislaine David, «le modèle d’un unique professeur dans la salle de classe qui gère seul tous les problèmes de ses élèves n’est pas une solution entendable».