Dernier avertissement avant punition. L’Education nationale a déclaré dimanche 30 mars envisager des «mesures» contre l’établissement catholique privé sous contrat de Pau (Pyrénées-Atlantiques) l’Immaculée-Conception en cas de non-correction des manquements signalés dans un rapport d’inspection qui avait entraîné une sanction, depuis suspendue, de son directeur et dont Mediapart publie de larges extraits. Catéchisme obligatoire, messes sur le temps des cours, intervenants réactionnaires en matière notamment d’éducation sexuelle, entraves à la liberté de conscience… De nombreux élèves et professeurs de l’établissement avaient dénoncé des dérives dans Libération et la République des Pyrénées, en février et mars 2024.
Une inspection générale avait été déclenchée et un rapport rédigé en juin 2024, qui n’a pas été rendu public malgré les demandes répétées des syndicats enseignants. Le ministère a pour sa part expliqué ne pas vouloir «interférer avec l’enquête judiciaire». La rectrice de l’Académie de Bordeaux a, de son côté, effectué un signalement au parquet au titre de l’article 40 du code de procédure pénale provoquant l’ouverture d’une enquête au commissariat de Pau dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour «harcèlement moral» et «détournements de fonds publics». Une enquête préliminaire a également été ouverte pour contestation de crime contre l’humanité, après une plainte de SOS Racisme pour «négationnisme» visant un éditorial du directeur publié dans la gazette du lycée, selon la même source.
Le chef de l’établissement a été suspendu mi-septembre par le rectorat de ses fonctions de direction pendant trois ans, pour des «atteintes à la laïcité», avant d’obtenir, fin novembre, de la justice administrative de retrouver ses fonctions, le temps que celle-ci se prononce sur le fond de l’affaire.
Messes pendant les heures de cours et autocensure
Selon les extraits du rapport dévoilés par Mediapart, l’établissement de 2 600 élèves, allant de l’école maternelle au lycée, s’est affranchi des règles et des programmes scolaires, comme le confirme un membre de l’équipe enseignante, sous couvert d’anonymat. «On avait des messes pendant les heures de cours. Désormais on a été informé que des confessions se passeraient en dehors des cours», témoigne-t-il. «Pour le reste, rien n’a changé», ajoute-t-il toutefois. Et de pointer des «cours orientés, comme sur le génocide vendéen», des «manuels scolaires d’avant 2007», les discours «homophobes» ou «anti-avortement». «On a tellement peur aussi qu’on s’autocensure. Ceux qui dénoncent sont traités de “raclures” ou de “collabos”», déplore l’enseignant.
«Tout est mensonge», a déclaré au journal Sud-Ouest dimanche soir le directeur de l’établissement, Christian Espeso, ajoutant avoir «produit des dizaines de documents pour dénoncer les biais» du rapport. «L’intérêt de mes élèves passera toujours avant les idéologues dans l’air du temps. Mes professeurs respectent les programmes, comme l’attestent nos résultats et toutes les inspections. Il nous arrive simplement d’être plus exigeants, mais cela n’est pas encore interdit», a-t-il encore rétorqué. Une inspection menée en 2021 avait déjà pointé des dérives. Des professeurs avaient remonté 19 signalements pour atteintes à la laïcité, selon Mediapart.