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Budget 2025 : avec 4 000 postes d’enseignants supprimés, les syndicats pointent «un sacrifice pur et simple de l’école»

Après la présentation du projet de loi de finances, jeudi 10 octobre, les syndicats alertent sur une nouvelle dégradation des conditions d’enseignement à venir.
Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Antoine Armand, et le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin à Paris jeudi 10 octobre. (Denis Allard/Libération)
publié le 11 octobre 2024 à 17h24

Pour trouver ses 60 milliards, le gouvernement, plutôt que de piocher dans le budget de la Défense ou de l’Intérieur, n’a pas hésité à regarder du côté de celui de l’Education nationale. Dans le projet de loi de finances 2025 présenté jeudi 10 octobre, le premier poste de dépense de l’Etat enregistre en effet une timide hausse de 132 millions d’euros. Une somme anecdotique, si on la compare à l’augmentation de 3,9 milliards d’euros de 2024.

Au-delà du budget alloué, une ligne, celle des créations ou des suppressions de postes, a suscité la fronde des syndicats : l’éducation deviendra en 2025 le ministère avec la plus grosse coupe de personnels. Au total, près de 4 000 postes d’enseignants seront supprimés, dont 3 155 dans les écoles primaires publiques et 181 dans le second degré public. Les autres suppressions sont attendues dans le privé. Le budget prévoit, en revanche, le financement de 2 000 AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) supplémentaires.

Des coupes justifiées par une baisse démographique

L’éducation devra ainsi supporter la majorité des suppressions de postes de la fonction publique d’Etat, qui se traduiront par des «non-remplacements de départs en retraite» ou des «non-renouvellements d’emplois de contractuels par exemple», détaille le ministère de l’Education, contacté par Libération. Tout n’est «pas encore défini», mais sera fait «lors de l’élaboration de la carte scolaire 2025».

Pour le gouvernement, ces coupes se justifient au nom de la baisse démographique attendue : 97 000 élèves en moins en septembre. «Au total, la baisse […] du nombre d’élèves à la rentrée 2025 aurait dû mécaniquement conduire au retrait de 5 000 postes d’enseignants, à taux d’encadrement constant. Le fait d’en retirer 4 000 et non 5 000 permet de réduire la taille des classes», justifie-t-on rue de Grenelle. Et d’ajouter : «Le nombre d’élèves par classe continue de baisser : 21,4 élèves en moyenne dans les écoles publiques de premier degré [en 2024] par exemple», contre 23,6 élèves par classe en 2017. Une moyenne qui recouvre toutefois des réalités différentes, puisque les effectifs ont été réduits en éducation prioritaire, via les dédoublements de classe de grande section, CP et CE1, mais pas ailleurs.

Pour les syndicats, l’argument gouvernemental ne tient pas. La secrétaire générale du SE-Unsa, Elisabeth Allain-Moreno, fustige un «sacrifice pur et simple de l’école au nom des restrictions budgétaires». L’ampleur de ces suppressions de postes est «tout simplement inédite» depuis quinze ans, pointe-t-elle. De quoi provoquer «des effectifs dans les classes de nouveau réévalués à la hausse», «des profs toujours non remplacés», «des candidats encore moins nombreux aux concours», ou encore «des risques de démissions dues à des conditions d’enseignement déplorables», énumère-t-elle. «Je vous laisse imaginer ce cocktail. Si certains avaient encore des doutes sur le fait que, depuis 2017, Emmanuel Macron cherche à détruire le service public, ils peuvent ici en avoir la confirmation.»

«Sabordage de l’école publique»

En outre, la secrétaire générale du SE-Unsa dénonce la répartition et «le fléchage détaillé» de cette nouvelle enveloppe – qui ne laisse selon elle «place à aucun arbitrage» – alors «qu’il n’y a aucune précision chiffrée à ce point pour d’autres ministères». «Le montant du budget pour l’éducation et surtout son utilisation sont totalement verrouillés par Matignon, et non par la rue de Grenelle, qui aurait dû mener ses propres négociations internes», explique-t-elle.

La secrétaire générale de la FSU-SnuIPP, Guislaine David, tacle également «ce choix qui va conduire au sabordage de l’école publique», alors que «l’éducation était déjà au bord de la rupture». «A ce moment précis où l’on aurait justement pu utiliser cette baisse démographique pour avoir un appel d’air et mieux répartir les élèves par classe, le gouvernement décide que la priorité ne sera pas donnée à l’école», dénonce la secrétaire générale du premier syndicat en maternelle et élémentaire, en ajoutant ne pas exclure d’éventuelles mobilisations.

Face à ce «coup de massue scandaleux pour l’éducation», Guislaine David redoute ainsi le «futur visage» de la politique du nouveau gouvernement Barnier. Et si elle craint des «fermetures de classes», des fermetures d’école seront aussi, selon elle, «inévitables». Elle conclut : «Il y a aura une saignée dans tous les départements.»