C’est une première victoire pour les syndicats enseignants et une sacrée épine dans le pied de la ministre de l’Education, Anne Genetet. Une semaine seulement après avoir annoncé la reconduction des groupes de niveau en sixième et cinquième, pierre angulaire du «choc des savoirs» lancé par l’ex-ministre Gabriel Attal en décembre 2023, le Conseil d’Etat pourrait bien mettre fin à ce dispositif. Ces groupes de niveau, rebaptisés «groupes de besoins» et péniblement mis en place depuis la rentrée dans les collèges pour remonter le niveau des élèves en français et en mathématiques, sont largement contestés par les syndicats enseignants qui en fustigent leurs contraintes organisationnelles et leur coût, alors que le gouvernement prévoit la suppression de 4 000 postes d’enseignants dans le budget 2025.
Mardi 19 novembre, le rapporteur public du Conseil d’Etat a demandé l’«annulation» de l’arrêté du 15 mars 2024 concernant «l’organisation des enseignements dans les classes de collège», soit la mise en place de ces groupes de niveau. Plusieurs recours avaient été déposés devant le juge administratif par trois syndicats (Sgen-CFDT, Unsa éducation et le Snes-FSU), par la fédération des parents d’élèves FCPE et par des parlementaires écologistes, dont la sénatrice de Gironde Monique de Marco.
«Irresponsable»
Le rapporteur, qui préconise une annulation à la fin de l’année scolaire, doit motiver les raisons de sa demande ce mercredi 20 novembre en séance publique au Conseil d’Etat. Pour le Snes-FSU, cet avis, dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat qui doit être rendue d’ici trois semaines, est «une première victoire». «Il confirme la fragilité juridique et donc politique du choc des savoirs, se félicite sa secrétaire générale, Sophie Vénétitay. S’entêter dans la poursuite de cette politique, à travers un acte II du choc des savoirs qui s’inscrit dans la lignée de cet acte I serait irresponsable.» Selon une enquête du Snes-FSU publiée le 19 novembre, seuls 26 % des collèges appliquent «à la lettre» l’organisation de la réforme.
Le ministère de l’Education indique de son côté prendre acte des conclusions du rapporteur public, assurant qu’«il s’agit d’une question de forme sur l’utilisation d’un arrêté et non d’un décret. Il ne s’agit en aucun cas d’une remise en cause de l’objectif fondamental de cette mesure : répondre aux besoins spécifiques de chaque élève pour garantir sa réussite scolaire.» Avant même la décision définitive du Conseil d’Etat, le ministère précise travailler à «clarifier ce point juridique en publiant un décret dans les prochains jours qui viendra sécuriser cette mesure essentielle».
Dans son «acte II du choc des savoirs», Anne Genetet avait déjà largement réduit la voilure de ces groupes, qui doivent être déployés en 2025 en quatrième et en troisième. Pour ces deux niveaux, les élèves seront répartis par groupes uniquement une heure par semaine, en alternance entre le français et les mathématiques. Et ce sur un volume horaire inchangé pour les deux disciplines.