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«Complément d’enquête» apporte de nouvelles preuves sur les dérives du business de l’apprentissage privé

Le magazine d’investigation de France 2 a enquêté sur le dévoiement d’une partie de la politique publique de soutien au secteur sans système de contrôle robuste, mettant en doute leur fiabilité.
Une école du groupe Galileo à Lyon, en 2020. (Soudan/Alpaca.Andia)
publié le 25 avril 2024 à 15h33

«A qui profitent les milliards de l’apprentissage ?» Le magazine d’investigation Complément d’enquête, diffusé ce jeudi 25 avril sur France 2 à 23 heures, apporte de nouvelles preuves du business juteux et insuffisamment contrôlé que représente aujourd’hui l’alternance. Sur le papier, ce dispositif pédagogique (alternant les cours et les périodes en entreprise) est la voie rêvée pour se former et s’insérer sur le marché du travail. Sauf qu’aujourd’hui, le dispositif est en partie dévoyé : des milliards d’euros d’aides publiques pour soutenir l’apprentissage remplissent surtout les caisses des actionnaires qui montent parfois des formations bidon. En France, l’enseignement supérieur est un secteur dérégulé, ouvert au privé lucratif : ces dernières années, de gros groupes se sont constitués, attirant les fonds d’investissement.

Nous avions révélé ces dérives, dans plusieurs articles. En remontant à la genèse : la réforme de la formation professionnelle en 2018 a ouvert, en grand, les vannes des aides publiques pour soutenir l’alternance… sans prévoir un système de contrôle robuste. Dans le Complément d’enquête, le journaliste Camille Le Pomellec apporte de nouveaux éléments de preuves. Comme ce témoignage éloquent d’un cadre dirigeant de Galileo, un des leaders mondiaux de l’enseignement privé, qui explique comment l’intérêt financier passe avant l’intérêt pédagogique. «Quand un contribuable dépense 8 000 euros pour une formation, uniquement 1 600 euros vont à l’enseignement», expose-t-il, document à l’appui. Un chiffre que conteste la direction du groupe, interrogée dans le documentaire, plaidant des coûts de structure (frais généraux, investissement).

«Dérives préoccupantes»

L’enquête de France 2 révèle aussi les primes que perçoivent les membres de l’équipe quand ils arrivent à convaincre suffisamment de jeunes de rempiler pour une année de formation supplémentaire. Ou encore la fiabilité, toute relative, des taux d’insertion sur le marché de l’emploi, argument massue pour séduire les étudiants et leurs familles. Face caméra, un responsable d’une école en management du sport s’emberlificote dans les chiffres, dans la réalité bien moins fringants que le 94,9 % étudiants en poste à la sortie, qui clignote sur la brochure.

L’été dernier, une mission d’information parlementaire avait été lancée pour dresser un état des lieux de l’enseignement supérieur privé lucratif, en plein essor. «Plus d’un quart des étudiants suivent aujourd’hui leurs études supérieures dans un établissement privé. Et un apprenti sur quatre dans le post-bac effectue sa formation dans un établissement privé lucratif», écrivent les deux députées, Béatrice Descamps (Libertés, Indépendants) et Estelle Folest (Modem). Elles ont auditionné 130 interlocuteurs, dont Libération. Leurs conclusions, rendues publiques il y a quelques jours, sont sans appel : outre un problème de «lisibilité et de transparence», elles pointent «un problème de contrôle de qualité pédagogique» et des «dérives préoccupantes qui témoignent de l’absence de régulation du secteur privé lucratif et d’une protection insuffisante de l’étudiant-consommateur».

Le travail fouillé et précis des députées met en mauvaise posture le ministère de l’Enseignement supérieur : le projet d’un label qualité, annoncé par la ministre en septembre denier, apparaît de façon criante en deçà des enjeux. Les révélations de Complément d’enquête viennent, à leur tour, le démontrer.

Complément d’enquête : à qui profitent les milliards de l’apprentissage ? jeudi 25 avril, à 23 heures sur France 2.