En 2023, tout le monde marche sur des œufs. L’opposition entre école publique et école privée fait son retour dans les débats français, mais personne n’ose s’aventurer à rouvrir la guerre scolaire. Le souvenir reste douloureux de ce temps où elle mettait des centaines de milliers de personnes dans la rue et faisait les gros titres. Par deux fois, en 1984 puis dix ans plus tard, les défenseurs des deux modèles se sont ardemment opposés sur la vision qu’ils avaient de l’instruction, paralysant les responsables politiques. Dans ce match, Libé a tardé à prendre réellement position. Dans les années 80, alors que le projet de loi Savary prévoyait d’harmoniser le fonctionnement des écoles publiques et privées, le journal a couvert les colossales manifestations s’opposant notamment à la fonctionnarisation des enseignants du privé, mais sans leur tomber dessus. «La laïque», cet agglomérat de défenseurs de l’école publique, était davantage présentée comme à la peine que comme un rempart indispensable à la vague catho.
Changement de ton dix ans plus tard. Le gouvernement Balladur annonce vouloir réviser la loi Falloux afin d’augmenter les financements publics à destination des écoles privées. Le «camp laïque» se fédère, laissant pour un temps ses guerres intestines de côté, et monte au créneau. Libé aussi. «Sous couleur de diversité, un libéralisme éducatif concurrentiel, qui intègre ou non une dimension confessionnelle, dérive doucement, sans le dire, et peut-êt