Une prise de parole pour dénoncer les «atteintes à la laïcité». Pour la première fois depuis le retrait du proviseur du lycée Maurice-Ravel après son altercation avec une élève à qui il avait demandé d’enlever son voile, les élus du principal syndicat des chefs d’établissements, le SNPDEN-Unsa, tiennent à soutenir publiquement leur confrère. Les personnels de direction sont «en première ligne», rappellent-ils dans leur communiqué.
Selon Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale, il est «intolérable» que le proviseur ait été obligé de se mettre en retrait pour sa protection, alors qu’il faisait «simplement son travail». «Quand on est chef d’établissement, on porte un principe simple : il n’y a pas de négociations possibles, c’est toute la laïcité, rien que la laïcité.» Et de poursuivre : «Protéger ce n’est pas renoncer.» Bruno Bobkiewicz reconnaît un «accompagnement réel» de la part de l’Etat sur ces questions depuis l’assassinat du professeur Samuel Paty. «L’Etat assume ses responsabilités et soutient les chefs d’établissements qui tentent d’agir. Nous ne sommes plus à l’époque du ‘’pas de vagues’'».
«On a pris la mesure de la menace, abonde Carole Zerbib, membre du SNPDEN UNSA et proviseure du lycée Nicolas Louis Vauquelin, à Paris. On voit la différence de traitement avec le temps : on n’a pas proposé à Samuel Paty de se mettre en retrait, contrairement à ce proviseur.» Reste que plusieurs leviers sont encore à activer pour protéger la laïcité à l’école, estime Bruno Bobkiewicz. D’abord, il faut des «actions de prévention», en amont. «Après Samuel Paty, le gouvernement a mis en place un plan de formation des enseignants sur ces questions, car la laïcité, ça se vit et ça s’apprend.» Mais le représentant regrette qu’il n’y ait «pas assez d’enseignants invités» alors que ces formations sont essentielles pour répondre à ceux qui contestent la laïcité. Il précise : «Il faut accélérer ces formations pour que la majorité des enseignants y aient accès. Même un professeur de maths est concerné puisque certains élèves remettent en cause les faits scientifiques.» Plus que des cours magistraux sur ce qu’est la laïcité, Bruno Bobkiewicz plaide pour des «mises en situation» et des «partages de pratiques» afin de savoir gérer concrètement les potentiels incidents.
Reportage
Concernant les réseaux sociaux, terrain fertile des idéologies les plus dangereuses, Bruno Bobkiewicz souhaite un meilleur contrôle des plateformes. «Il faut travailler avec nos jeunes et leurs parents sur ce qu’on fait et sur ce qu’on ne fait pas sur les réseaux sociaux», explique-t-il. Plus largement, il reconnaît que les chefs d’établissement sont «déstabilisés», mais il n’est «pas question de reculer». «On sort quand même de deux assassinats d’enseignants et de plusieurs situations de menaces directes de personnel. Donc forcément, quand on travaille à l’éducation nationale, ça ne rassure pas. Ça ne veut pas dire qu’il y a un danger immédiat quotidien, mais le climat global est extrêmement anxiogène», précise-t-il. Et de conclure : «Nous sommes debout et nous ne reculerons pas face aux attaques de ceux qui contestent les valeurs de la République.»
Plainte de l’élève classée sans suite
Plus tôt ce vendredi matin, un rassemblement devant le lycée Maurice-Ravel, organisé à l’appel du Parti Socialiste, a réuni étudiants, parents d’élèves et enseignants pour affirmer leur «plein et entier soutien au proviseur» et à la communauté éducative.
Menacé de mort sur internet après cette altercation, le proviseur de la cité scolaire du XXe arrondissement de Paris a annoncé son retrait de ses fonctions le 26 mars pour des «raisons de sécurité». Le rectorat, lui, évoque un départ à la retraite anticipé de quelques mois, pour convenances personnelles.
L’élève en question, étudiante de BTS au sein du lycée Maurice-Ravel, avait affirmé début mars au Parisien avoir été «tapée violemment au bras» par le proviseur, même «violentée» pour avoir refusé d’enlever son voile. Jeudi, sa plainte a été classée sans suite par le parquet de Paris pour «infraction insuffisamment caractérisée». Depuis l’élève a préféré quitter l’établissement et ne fait plus partie du lycée Ravel, a affirmé Gabriel Attal, qui s’est exprimé sur le sujet mercredi soir sur le plateau de TF1. Le proviseur a lui aussi déposé plainte pour «acte d’intimidation envers une personne participant à l’exécution d’une mission de service public».
Par ailleurs, une enquête pour cyberharcèlement a été ouverte et un jeune homme de 26 ans, originaire des Hauts-de-Seine, a été arrêté. Il doit être jugé le 23 avril à Paris pour avoir menacé de mort le proviseur sur internet. Le SNPDEN a annoncé se constituer partie civile.
Mise à jour : à 14 h 34 avec des précisions de Bruno Bobkiewicz.