«De nouvelles offres sont proposées chaque jour, revenez régulièrement pour trouver celle qui vous convient», avertit le site 1 Jeune 1 Solution, la plateforme gouvernementale censée aider les lycéens de seconde à trouver un stage en milieu professionnel. Ce qu’il ne précise pas, c’est qu’il s’agit d’ouvrir l’œil. Car ce vendredi 29 mars, cinq jours après l’ouverture, seules 3 157 offres de stage étaient disponibles en ligne, d’après nos décomptes. Peut-être un peu plus, en réalité, car une même annonce peut proposer deux places à la fois. Certaines ont également pu être dépubliées après avoir trouvé preneur.
Mais on est très loin des 200 000 offres promises à l’automne par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et Gabriel Attal, alors ministre de l’Education nationale, lors d’un déplacement au lycée Joséphine-Baker de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), afin de lancer l’opération «Mon stage de seconde». Interrogé par l’AFP en début de semaine, le ministère de l’Education n’avait pas communiqué le nombre d’offres disponibles sur le site.
A Marseille, par exemple, seulement 12 offres sont disponibles. Les villes de Strasbourg et Toulouse dénombrent chacune 6 publications. Parmi les professions offrant leurs services pour accueillir un jeune stagiaire, on recense un gérant d’écurie, des professeurs des écoles, des techniciens de maintenance, des collaborateurs parlementaires ou encore des animateurs sportifs. La concurrence sera rude pour les 550 000 élèves inscrits cette année en seconde générale et technologique, et qui doivent effectuer leurs deux semaines d’immersion professionnelle du 17 au 28 juin. Ce dispositif obligatoire (à défaut, les élèves devront le remplacer par un engagement au service national universel), annoncé de façon subite par Gabriel Attal à la rentrée 2023 pour «reconquérir le mois de juin», a pris de court les syndicats et les enseignants, qui ont déjà dénoncé une «improvisation totale».
«On ne connaît pas du tout»
Quant aux principaux concernés, ils ne semblent guère plus informés. Devant le lycée Gabriel-Fauré de Paris (XIIIe arrondissement), un groupe d’élèves de seconde discutent de leur futur stage. Sur les neuf adolescents interrogés, seule Hajar a déjà décroché son sésame. En juin, elle fera sa première semaine dans l’entreprise de maçonnerie où travaille son père. «Avant qu’il me propose, j’étais assez stressée», confie l’élève, qui a déjà une piste pour son autre stage, qu’elle compte faire dans la vente de maquillage. Si celui-ci tombe à l’eau, elle passera par la plateforme gouvernementale, dont elle a appris l’existence via TikTok et son professeur principal.
Ses camarades, eux, se laissent les vacances de printemps pour débuter leurs recherches. Pour l’instant, ils ne sont pas «stressés», même si aucun ne connaît la plateforme 1 Jeune 1 Solution. Même constat devant d’autres lycées du XIIIe arrondissement parisien. A Claude-Monet, Alia et Sarah (1) s’étonnent : «1 Jeune, 1 Solution ? On ne connaît pas du tout.» Mayimbé, élève à Gabriel-Fauré et qui se destine à des études de médecine, trouve «dommage» d’avoir été si peu informée.
«Ils sont désespérés et postulent partout…»
Du côté des rares employeurs inscrits sur la plateforme, les demandes, mécaniquement, affluent. Avocate basée à Nice, Aziza Abou El Haja a l’habitude d’accueillir des stagiaires provenant de l’enseignement supérieur. Alors quand elle a vu dans les médias que «des lycéens étaient en galère», elle s’est rapidement inscrite sur la plateforme afin de mieux faire connaître un métier «difficilement accessible à tous». Elle y a proposé d’accueillir deux stagiaires sur l’ensemble de la période concernée. «Souvent, pour accéder à ce type d’entreprise, il faut avoir la chance de compter un proche qui y travaille. Je voulais offrir une opportunité à des lycéens qui n’auraient pas frappé à la porte spontanément», dit-elle.
Ils ne sont que deux autres avocats, ailleurs en France, à avoir proposé leurs services sur le site gouvernemental. «Je croule sous les demandes», raconte Aziza Abou El Haja, qui en recense déjà plus de 40. Certaines candidatures viennent de Paris, Narbonne ou encore Annecy. «Je pense qu’ils sont désespérés et postulent partout…» Pour choisir, la professionnelle pense se baser avant tout sur des «critères géographiques et de motivation».
(1) Les prénoms ont été modifiés.