Menu
Libération
Education

Diffusion d’un tableau de femmes nues dans un collège des Yvelines… Ce que l’on sait de la polémique

Les enseignants du collège Jacques Cartier à Issou s’alarment en raison des réactions d’élèves et de parents, après qu’une professeure a monté une peinture représentant cinq femmes dénudées lors d’un cours en fin de semaine dernière.
Une banderole de profs exerçant leur droit de retrait au collège Jacques Cartier d'Issou (Yvelines), vendredi 8 décembre 2023. (capture d'écran X collège Jacques Cartier)
publié le 11 décembre 2023 à 17h53

Les cours n’ont toujours pas repris ce lundi 11 décembre et l’inquiétude ne baisse guère dans la salle des profs du collège Jacques Cartier, à Issou, dans les Yvelines. Vendredi 8 décembre, une partie des professeurs ont exercé leur droit de retrait, «en vue de la situation de danger ressentie ces derniers mois», selon un court communiqué publié sur le réseau social X. «Les élèves ne sont plus en sécurité, poursuivent-ils. Nous avons besoin de moyens urgemment.»

La veille, une de leur collègue, professeure de français, a présenté dans le cadre d’un cours à sa classe de sixième un tableau du XVIIe siècle de Giuseppe Cesari, Diane et Actéon, représentant cinq femmes dénudées. Mais la séance ne se termine pas comme prévu. «Nous avons pris connaissance d’une remise en cause du contenu du cours, associé à des accusations et des rumeurs visant l’enseignante liées à la religion réelle ou supposée des élèves», explique à Libération Jean-Rémi Girard, président national du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc).

L’incident aurait eu lieu en deux temps, selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, interrogée dans la matinée par RMC. Pendant le cours, «des élèves se disent choqués, tournent les yeux, tournent le regard», raconte la représentante syndicale. Un peu plus tard, pendant une heure de «vie de classe» avec une autre enseignante, «les élèves sont revenus sur ce qui s’était passés […] ont commencé à dire que la professeure [de français] avait tenu des propos racistes». «Des choses fausses, il n’y a pas eu de propos racistes mais une tentative de dialogue», précise la secrétaire générale du Snes-FSU.

«Absence totale de soutien du rectorat»

Le lendemain, toujours selon les déclarations de la syndicaliste, un parent d’élève aurait écrit au principal, pour se plaindre à son tour de l’échange ayant eu lieu pendant cette heure de vie de classe, «en disant que son fils n’aurait pas pu s’exprimer» et en affirmant «qu’il souhaite porter plainte» contre le chef de l’établissement.

Alors que le «climat scolaire est très dégradé depuis des semaines», notamment depuis l’attentat d’Arras au cours duquel un professeur a été tué, Sophie Vénétitay fustige «l’absence totale de soutien de la part du rectorat et de la direction académique». Un préavis de grève a été déposé ce lundi 11 décembre, selon les informations de BFM TV.

Le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, s’est rendu ce lundi après-midi à Issou, annonçant devant la presse «une procédure disciplinaire à l’endroit des élèves qui sont responsables de cette situation et qui ont d’ailleurs reconnu les faits». Il a également fait savoir que des postes seraient mis en place en «renfort des équipes de vie scolaire», «un poste de CPE mais aussi des renforts s’agissant des assistants d’éducation et d’AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap)». En plus de ces annonces, une équipe académique «valeurs de la République» va être déployée au collège Jacques-Cartier, a ajouté le ministre.

«Situation familière»

Par ailleurs, des professeurs et agents techniques de deux lycées, à Libourne (Gironde) et Besançon (Doubs) avaient fait valoir leurs droits de retraits quelques jours plus tôt craignant pour leur sécurité et celles de leurs élèves. Dans le premier cas, une lettre anonyme menaçant de mort une enseignante et les collégiens d’origine arabe a été découverte dans l’enceinte de l’établissement. Dans le second, une arme chargée a notamment été découverte dans l’internat du lycée.

Cette situation est «malheureusement familière», regrette Jean-Rémi Girard du Snalc, qui «rappelle assez fortement l’affaire Samuel Paty». Le 16 octobre 2020, ce professeur d’histoire-géographie avait été poignardé, puis décapité, à quelques mètres de son collège, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, par un islamiste radicalisé de 18 ans. Quelques jours plus tôt, il avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression. Une élève de l’établissement avait alors colporté l’idée – fausse – selon laquelle l’enseignait aurait demandé aux élèves musulmans de se signaler et de sortir de la classe, alors même qu’elle n’avait pas assisté à ce cours.

Un mensonge à l’origine d’une violente campagne de dénigrement alimentée sur les réseaux sociaux par son père et par un militant islamiste, auteur de vidéos qui avaient attiré l’attention sur le professeur. Les deux hommes seront jugés lors d’un procès aux assises avec six autres adultes fin 2024 pour leur implication dans l’assassinat de Samuel Paty. La collégienne a, elle, été condamnée vendredi 8 décembre à dix-huit mois de sursis probatoire pour dénonciation calomnieuse, lors du procès des six mineurs de ce dossier.

Mise à jour : à 19 h 39, avec l’ajout des déclarations du ministre Gabriel Attal.