Alors que la scolarisation de certains enfants handicapés est de plus en plus ouvertement remise en cause, Etienne Pot, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, estime qu’une meilleure compréhension de ces troubles, en particulier l’autisme, permettrait aux enseignants de travailler plus sereinement.
Des enseignants dénoncent la réalité de l’école inclusive et demandent que certains enfants handicapés, en particulier autistes, aillent en institutions spécialisées. Qu’en pensez-vous ?
Je ne voudrais pas qu’on se trompe de débat. Je vois bien que l’école ne va pas très bien en ce moment et je ne nie pas la difficulté des enseignants. Mais on est en train de remettre en cause l’idée que l’école puisse accueillir tous les enfants, alors qu’on devrait se concentrer sur une meilleure formation aux troubles du neurodéveloppement [dont font notamment partie l’autisme et le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, le TDAH, ndlr], pour mieux prévenir certaines difficultés. Si on met tout en œuvre pour aider les enseignants, on peut y arriver. Un enfant de 4 ans qui ne parle pas, ça ne veut pas dire qu’il ne parlera jamais. Et quand bien même il ne parlerait jamais, on peut mettre en place des outils pour communiquer. C’est tout le sens de ce qu’on appelle la communication alternative améliorée.
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La formation des enseignants au handicap est justement un gros point noir…
On va développer des formations conjointes entre professionnels de l’éducation nationale et du médico-social, à partir de la rentrée 2024. L’Ile-de-France en a déjà mis en place, il faut que ça se diffuse partout sur le territoire. Beaucoup d’enseignants ne savent pas encore suffisamment ce qu’est l’autisme et sont demandeurs de formations. On peut donc faire force commune. En plus des 100 professeurs ressources autisme qui vont dans les écoles pour aider à l’inclusion des élèves autistes, nous en formons 100 de plus sur tous les troubles du neurodéveloppement.
Nous allons aussi constituer un groupe de travail pour créer un module de formation de moins de trente minutes à destination de toutes les catégories professionnelles (petite enfance, éducation nationale, médico-social, police, justice) pour donner les bases sur l’autisme et l’ensemble des troubles du neurodéveloppement. Tous les professionnels peuvent monter en compétence sur ces sujets. Ça participe à la déstigmatisation de ces publics.
L’introduction d’équipes médico-sociales dans l’école est-elle une solution aux difficultés actuelles ?
Il faut que l’éducation nationale ouvre ses portes, avec des équipes pluridisciplinaires qui viennent en appui de l’école. Et il ne faut pas oublier les professions très spécialisées comme les psychomotriciens, les ergothérapeutes, les orthophonistes, qui peuvent aussi changer le quotidien des enfants.
Trois cent quatre-vingts dispositifs (des unités d’enseignement autisme et des dispositifs d’autorégulation) vont ouvrir d’ici 2027. Mais je ne m’interdis pas de les repenser, parce que chacun répond à chaque fois à un nouveau besoin ; il faut plus de synergies. Je veux aussi qu’on puisse mesurer très finement l’intégration des enfants en classe ordinaire, il ne s’agit pas juste de mettre un dispositif et de dire «ils sont dans les écoles». Et j’aurai une vigilance sur les instituts médico-éducatifs (IME), pour m’assurer que les enfants qui y sont scolarisés ne pourraient pas bénéficier d’une scolarité en milieu ordinaire. Il faut tout faire pour qu’il y ait une réévaluation permanente. Quand un enfant entre en IME, je souhaite qu’il n’ait plus automatiquement un parcours linéaire, en allant ensuite dans des établissements spécialisés pour adultes. Il n’y a pas de plafond de verre, tous les enfants peuvent progresser.