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Libération
Edito

Ecologie: la génération à cœur, nouvelle élite de la nation

Depuis 2018, de plus en plus de jeunes diplômés de grandes écoles se mettent à tourner le dos aux illustres carrières qui les attendent dans le privé au nom de leurs convictions environnementales. Poussant de la sorte établissements scolaires et entreprises à changer leur fusil d’épaule.
Défilé des étudiants de Polytechnique le 14 juillet 2021. (Michel Euler/AFP)
publié le 1er juillet 2022 à 20h56

Alors qu’on s’inquiète de voir la génération Z déserter les urnes, il fait bon savoir que dans le même temps, une partie de cette jeunesse se rebelle pour défendre notre avenir à tous, tout en jouant le sien. Ils ont eu la chance d’accéder aux études les plus prestigieuses. On leur a répété qu’ils seraient bientôt «l’élite de la nation» et promis des ponts d’or dans le privé une fois diplômés. Peu importe : ils sont de plus en plus nombreux à tout envoyer valser par conviction écologique. Ils le font haut et fort alors que la période des cérémonies de remise de diplôme bat son plein. Le phénomène a débuté en 2018, lorsque Clément Choisne, dans son discours de diplômé de l’école d’ingénieurs Centrale Nantes, s’est dit «incapable de se reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur, en rouage essentiel d’un système capitaliste de surconsommation».

Depuis, les discours révolutionnaires et verts s’enchaînent : à Polytechnique, à HEC ou encore à AgroParisTech en mai. Dans un happening filmé, huit étudiants de la prestigieuse école d’agronomie ont fustigé leur formation et appelé leurs camarades à tourner le dos à d’illustres carrières pour s’impliquer dans des projets compatibles avec la lutte contre le changement climatique. Les millions de vues de leur vidéo et les répliques qui ont suivi montrent qu’une fraction de cette génération est prête à les suivre. Et que les aînés observent et s’intéressent. Impressionnés ? Il y a de quoi l’être devant ces jeunes qui «désertent», «bifurquent», mais parviennent aussi à changer le système de l’intérieur. Pour la cause qui leur tient à cœur, ils sont devenus hackeurs de leurs cérémonies de remise de diplôme et des programmes de leurs écoles, bien obligées d’adapter leurs cursus pour répondre aux pétitions et aux amphis clairsemés. Ils sont aussi en train de hacker les entreprises qu’ils jugent néfastes pour la planète, contraintes de se verdir pour rester dans la course. Jouer un tel rôle dans la transformation de la société n’est-ce pas ça qu’on attend de «l’élite de la nation» ?