Une victoire face aux pressions de l’extrême droite et des milieux conservateurs. Les syndicats enseignants ont finalement remporté la bataille politique et sémantique autour de l’éducation sexuelle. Ce jeudi 30 janvier, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) a voté à l’unanimité (60 voix pour et 0 contre) en faveur du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars). Ce qui n’était pas gagné après les modifications opérées par l’ancienne ministre de l’Education Anne Genetet – puis validées par l’actuelle ministre Elisabeth Borne – à la suite des pressions exercées depuis décembre par des collectifs ultra-conservateurs, relayés jusqu’au gouvernement et au Sénat.
Il aura fallu six ministres de l’Education, des mois d’attente et des débats à n’en plus finir pour que ce programme, commandé par Pap Ndiaye en 2023, soit présenté mercredi 29 janvier en CSE, une instance consultative réunissant syndicats, parents d’élèves et autres partenaires de l’Education nationale. Un peu moins de 150 amendements avaient été déposés par l’ensemble des syndicats enseignants, irrités de voir que le ministère avait en partie plié face à l’offensive réac et à son relais médiatique de l’empire Bolloré.
«Des mots qui identifient une réalité»
Après de nombreuses heures de négociations, les syndicats ont finalement obtenu gain de cause, le ministère ayant accepté plusieurs changements hautement symboliques. D’abord sur la place des parents. La dernière version du texte précisait que ces derniers devaient être informés à l’avance de la tenue et du contenu des séances d’éducation à la sexualité, pourtant obligatoires, comme n’importe quel cours. Les syndicats craignaient que des familles réticentes en profitent pour ne pas y envoyer leurs enfants. Voire que des manifestations soient organisées au même moment devant les établissements, comme cela avait été le cas il y a dix ans lors des «ABCD de l’égalité», un programme qui devait être lancé pour les élèves de primaire et qui avait finalement été abandonné face à la virulence des réacs de tout poil. Pour éviter tout problème, le cabinet d’Elisabeth Borne a donc accepté de transformer la formulation par «les parents d’élèves sont informés des objectifs d’apprentissage» de cet enseignement.
Autre modification, les différentes structures familiales sont de nouveau nommées dès la maternelle, en moyenne section. Tout comme les termes «hétérosexualité» et «homosexualité», mentionnés en préambule alors qu’ils avaient été supprimés dans la dernière version du texte. La notion d’identité de genre, qui existe bien contrairement à la supposée «théorie de genre» brandie par les détracteurs d’Evars, sera finalement abordée en troisième et non plus à partir du lycée, tout comme l’homophobie et la transphobie. L’intersexuation, qui concerne les personnes dont les caractéristiques sexuelles ne correspondent pas aux définitions normées des corps féminins et masculins, sera finalement abordée en quatrième et non plus au lycée. «Ce sont des mots qui identifient une réalité du monde d’aujourd’hui et qui sont donc essentiels, remarque Elisabeth Allain Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. On ne peut pas se permettre d’avoir des minorités idéologiques qui bouleversent l’école et ses valeurs d’émancipation, de respect de l’autre.»
Expliquer la notion de consentement
Près de vingt-cinq ans après la loi Aubry rendant obligatoire cette éducation dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison d’au moins trois séances annuelles, un programme qui fait consensus a donc enfin été validé. Si le vote ne vaut que pour avis, Elisabeth Borne donnera forcément son feu vert puisque le texte a été négocié avec son cabinet et la Direction générale de l’enseignement scolaire. «Il y a eu un vrai travail de concertation qui aboutit à un texte qui va enfin permettre de travailler la connaissance de soi, des autres, l’égalité filles-garçons mais aussi de faire de la prévention sur les violences sexuelles», souligne Guislaine David, cosecrétaire générale du Snuipp-FSU. L’objectif du programme est clair : il s’agit d’armer les enfants, dès le plus jeune âge, face aux violences dont ils pourraient être victimes, de leur expliquer tout au long de leur scolarité la notion de consentement, de leur apprendre à mieux se connaître et à accepter les différences. Puis, à partir du collège, de leur permettre de grandir dans une sexualité libre et respectueuse.
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Selon nos informations, le programme devrait être publié dès la semaine prochaine au Journal officiel, pour une mise en œuvre à la rentrée 2025, de la maternelle au lycée. «C’est la preuve qu’on est collectivement capables de faire face aux assauts de l’extrême droite, se réjouit Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire. Le ministère s’est montré à l’écoute. C’est une victoire, mais le plus dur reste encore à venir quant à l’application des programmes et la protection du personnel face aux familles qui s’opposeront à cet enseignement.»