Peut mieux faire. C’est ainsi que l’on pouvait noter la copie rendue par l’Etat au sujet de l’éducation sexuelle dans l’enseignement public. En effet, en juillet 2021, l’Inspection générale de l’Education, du sport et de la recherche remettait au ministre de l’Education nationale de l’époque, Jean-Michel Blanquer, un rapport intitulé «Education à la sexualité en milieu scolaire», jamais rendu public par le ministère alors dirigé par Jean-Michel Blanquer, que Mediapart a dévoilé mardi 20 septembre.
Le texte dresse un constat relativement sévère des actions menées par le ministère. Selon ce rapport remis en juillet 2021, «moins de 15 % des élèves bénéficient de trois séances d’éducation à la sexualité pendant l’année scolaire en école et au lycée (moins de 20 % en collège)», alors que ces trois séances sont prévues par la loi. De même, une enquête du collectif féministe #NousToutes, réalisée entre 2021 et 2022 et dévoilée en février dernier par Libération, montrait que les élèves n’avaient eu en moyenne que 2,7 séances d’éducation à la vie sexuelle et affective, soit à peine 13 % des 21 séances qu’ils auraient dû avoir au cours de leur scolarité. De son côté, le nouveau ministre de l’Education, Pap Ndiaye, a affirmé sa volonté de remettre ce sujet sur la table. «La loi de 2001 nous enjoint de façon très claire de parler d’éducation à la sexualité», et «nous devons respecter la loi», confiait-il la semaine dernière à nos confrères de franceinfo.
Vaste programme
D’ailleurs, si les inspectrices mettent en lumière les manquements de l’institution en matière d’éducation sexuelle, elles préconisent de : «Mieux intégrer l’éducation à la sexualité à la politique éducative», notamment en rendant l’éducation à la sexualité plus lisible, et en inscrivant l’éducation à la sexualité dans les projets académiques et les projets d’établissement. Les inspectrices préconisent également de «formaliser fermement trois séances annuelles dédiées», ou encore de «renforcer la formation des acteurs.» De même, il importe selon elles de «maintenir (l’éducation à la sexualité), de l’identifier clairement, de mieux la structurer, de l’améliorer et de lui donner une véritable place au sein du ministère de l’Education nationale, en concertation avec les ministères de la Santé, de l’Egalité entre les filles et les garçons et de la Protection de l’enfance», écrivent-elles.
Enfin, le rapport insiste sur la formation des acteurs, et met en avant la nécessité de : «renforcer le déploiement des formateurs académiques sur l’éducation à la sexualité, pour former à long terme tous les personnels d’enseignement, d’éducation, d’encadrement, d’inspection intervenant en établissement scolaire sur l’éducation à la sexualité».
Un outil de lutte
«La loi impose pourtant trois séances d’éducation sexuelle par an et par niveau. Et quand elle est respectée, on ne parle aux jeunes que de reproduction, de contraception ou de risques», déplorait en décembre dernier la coautrice du documentaire Options éducation sexuelle Carine Lefebvre-Quennell. Pourtant, conçues comme un outil de conscientisation pour les élèves, ces séances sont un véritable levier de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, d’autant qu’elles permettent d’évoquer des notions clefs comme le consentement.
Et faute de formation académique, de plus en plus de jeunes se tournent vers des auteurs qui s’adressent directement à eux là où ils sont susceptibles de les trouver : sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple, entre 2015 et 2020, la chaîne YouTube «Parlons peu, parlons Cul», qui réunit plus de 600 000 abonnés, évoquait les questions liées à la sexualité, du désir à l’orientation sexuelle, en passant par la masturbation. Enfin, plus récemment, c’est la créatrice du compte Instagram féministe Jemenbatsleclito aux 697 000 abonnés, Camille Aumont Carnel, qui publiait un livre intitulé Adosexo, sous-titré «le guide d’éducation sexuelle de référence». Mais malgré ces initiatives chargées de bonnes intentions, il demeure regrettable que l’Education nationale tarde à s’emparer de ce qui constitue un enjeu de santé publique majeur.