«Nous avons été choisis.» La phrase est prononcée par des étudiants gazaouis. Ils étudient en France grâce à une bourse du gouvernement français. Ils ne sont pas nombreux. Nous en avons rencontré une poignée. Des jeunes inquiets qui restent éveillés des nuits entières. Comment dormir lorsque sa famille vit sous les bombardements à Gaza ? Ils ont écrit une lettre au président de la République, Emmanuel Macron, mais aussi au ministère des Affaires étrangères. Un courrier signé par seize étudiants et artistes gazaouis que nous avons publié dans nos colonnes. Un appel au secours. «Depuis le 7 octobre, nos familles sont directement affectées par la guerre. Nous avons tous perdu des membres de nos familles, des proches et des amis. La plupart de nos domiciles ont été détruits, la quasi-totalité de nos familles ont subi un déplacement forcé vers le sud de la bande de Gaza. Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles et les chances de survie sont extrêmement minimes, écrivent-ils. Alors que nos familles sont exposées à la pire des violences, nous comptons plus que jamais sur la France et son rayonnement pour sauver nos proches en les faisant sortir le plus rapidement possible de Gaza. En raison de l’urgence de cette situation, nous nous tenons à votre disposition pour organiser une rencontre, et ainsi répondre à vos questions.»
Témoignages
Une lettre qui a ouvert une première porte. Les signataires ont réussi à obtenir un rendez-vous, vendredi 29 décembre, au ministère des Affaires étrangères. Un étudiant, qui comme beaucoup souhaite garder l’anonymat, explique : «La France nous a donné sa confiance en nous donnant une bourse pour étudier. On ne demande pas l’aumône mais juste l’évacuation de nos familles de manière provisoire. On s’engage à prendre la totalité des frais durant leur séjour.» Le temps presse. Entre le moment où le courrier a été envoyé et aujourd’hui, soit une dizaine de jours, le père d’un étudiant gazaoui, signataire de la lettre, est mort. Il était handicapé et son état s’est dégradé, faute de moyens dans les hôpitaux, débordés depuis le début de la riposte israélienne. Les blessés affluent à grande cadence depuis plus de deux mois. Son père, qui était en manque d’oxygène, n’a pas pu être sauvé.
Marwa Selmi a opté pour une autre méthode. Elle a interpellé publiquement Emmanuel Macron en mettant une pétition en ligne. L’étudiante gazaouie écrit : «Résidant dans le centre de Gaza, mon père âgé de 52 ans a été contraint de se déplacer huit fois à cause des bombardements. La situation est telle que je ne peux pas vous dire si l’endroit où il se trouve actuellement sera épargné, compte tenu des bombardements indiscriminés menés par Israël depuis le début de la guerre.» Sa pétition approche les 2 000 signatures. Son père avait obtenu un visa pour la France juste avant le début de la guerre, afin de rendre visite à sa fille et à son fils qui séjournent à Paris. Les frontières se sont toutes refermées. Marwa Selmi demande à la France d’ouvrir une brèche avant qu’il ne soit trop tard.