Menu
Libération
De bons conseils

Grand oral du bac : «Cet exercice est avant tout un échange, il faut s’approprier son propos pour être à l’aise»

Lundi 24 juin, les terminales entameront l’épreuve finale du bac : le grand oral. Dix minutes d’exposé suivies de dix minutes de questions. Pour les lycéens stressés, «Libé» a demandé à Cyril Delhay, artisan du grand oral, quelques conseils pour le réussir.
Pour Cyril Delhay, le stress peut «booster» et aider les élèves «à être meilleurs». (Albert Facelly/Libération)
publié le 22 juin 2024 à 16h28

Bientôt les vacances. Pour les élèves en terminale, qui viennent de plancher sur leurs épreuves de spécialité, il ne reste qu’une épreuve : le grand oral. Les 543 369 élèves de terminale générale et technologique défileront, dès le lundi 24 juin, devant un jury composé de deux professeurs pour présenter l’un des deux sujets qu’ils ont préparés pendant l’année. Après dix minutes d’exposé, préparé pendant vingt minutes, les adolescents devront aussi répondre à quelques questions posées par leur examinateur.

Introduite avec la réforme du bac de l’ancien ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer, l’épreuve orale de cette année se déroule dans des conditions particulières. Décalées de mars à juin, les épreuves de spécialités (comptant pour un tiers de la note) ont été rapprochées du grand oral (10 % de la note finale). Les terminales ont donc consacré beaucoup moins de temps que l’an dernier à la préparation de cette épreuve, alors même que l’exposé a été rallongé de cinq minutes. Le ministère n’a pas prévu de «temps de préparation harmonisé à l’échelle nationale», détaille Sophie Hélène, présidente de l’association Trouve ta voix. Sans plage spécifique dans les emplois du temps, c’est donc pendant les six heures hebdomadaires de spécialité que l’oral a été préparé, précise le quotidien le Monde.

Dans cette dernière ligne droite, Libé a interrogé Cyril Delhay, professeur d’arts oratoires à Sciences-Po et rédacteur du rapport «Faire du grand oral un levier de l’égalité des chances», socle fondateur de l’épreuve finale du bac. Il livre quelques conseils aux lycéens un peu stressés – ou aux lecteurs qui ont peur de prendre la parole en public – pour se préparer au mieux à quelques jours de l’examen. «L’oral ça s’enseigne, rassure le professeur. Et c’est plus facile que la natation.»

Pour ce dernier week-end avant le début de l’épreuve, que conseillez-vous pour aborder sereinement l’oral ?

La première chose, c’est de bien dormir, comme avant toute épreuve scolaire ou sportive. Le sommeil, c’est la priorité pour réussir l’oral. Il est vrai que l’exposé de cette année est plus exigeant car plus long. Il faut tenir la distance, mais c’est une opportunité. L’élève a le temps de déplier sa pensée en deux ou trois parties, de l’exemplifier. Par contre, il ne faut pas apprendre toutes ses notes, tous ses exemples par cœur pour les répéter à toute vitesse le jour de l’oral. L’exercice oral est avant tout un échange. Il faut donc s’approprier son propos pour être suffisamment à l’aise le jour de l’épreuve. Le mieux, c’est donc d’avoir un déroulement logique de sa pensée. Pour le travailler, il faut prêter attention aux transitions, les travailler. Elles sont les articulations qui font tenir le squelette de l’oral, qui est le plan.

Avez-vous des exercices à proposer pour justement «s’approprier son propos ?»

J’en connais un qui est très efficace : dire en une minute, six ou sept phrases, l’entièreté de ce que je souhaite transmettre. Cela nous oblige à extraire un concentré de notre pensée que l’on peut apprendre. Après, on peut la déplier. Les lycéens peuvent aussi passer devant des camarades en faisant un jeu de rôle. Cela permet de vérifier que l’on est clair et cela permet aussi de se mettre dans la peau du jury, c’est assez utile pour réduire le stress. S’ils s’entraînent seuls, il faut que les terminales le fassent dans les conditions de l’épreuve, debout. Entre deux et trois entraînements par jour suffisent. On dort dessus, on y revient le lendemain. Surtout, il ne faut pas hésiter à aller se promener, pour s’aérer l’esprit.

N’y a-t-il pas des phrases de son exposé qu’il vaut mieux connaître par cœur ? Comme une béquille pour être à l’aise le jour J ?

Ce n’est pas une béquille. Qu’on soit à l’aise ou pas il faut apprendre ce que j’appelle une fiche mémo pour la restituer dans la préparation le jour de l’oral. A chacun de construire sa fiche en fonction du sujet, de sa personnalité, son aisance et sa spécialité. Les lycéens peuvent y mettre des schémas, des noms ou des chiffres à retenir. Il ne faut pas hésiter à inscrire son plan avec les transitions. En revanche, il est vraiment impératif d’écrire les deux premières et dernières phrases de son oral. Comme lorsque l’on prend l’avion, le décollage et atterrissage sont des moments fragiles. En les rédigeant, on les consolide et on montre au jury qu’on sait d’où l’on part et ou on va.

Comment gérer son stress le jour de l’épreuve ?

Le stress concerne tout le monde, y compris les membres du jury, c’est important de s’en souvenir. Il ne faut pas en avoir peur mais en faire son allié, le réguler. Il nous booste et nous aide à être meilleur. Pour le gérer, on peut faire pratiquer la cohérence cardiaque, il y a plein d’applications qui le permettent. Le but c’est d’agir sur le rythme du cœur, qui gère le stress. On revient à l’oscillation cardiaque standard. Cinq secondes d’inspiration, cinq secondes d’expiration et en trois minutes chrono on a rétabli un rythme cardiaque standard.

Ce stress peut conduire l’élève à parler très (ou trop) vite, un conseil pour contrôler son débit de parole ?

Il faut prendre le temps de bien respirer et laisser le temps au silence. C’est la mise en page de la parole. Le cerveau de son interlocuteur a besoin de silence pour recevoir la parole. Prendre le temps permet aussi de construire des phrases courtes. Une phrase pour une info et une idée. Si on fait des phrases à rallonge avec trois ou quatre propositions relatives, on restitue une pensée en construction, imprécise, alors que l’oral doit être la restitution d’une pensée ciselée.

Une fois la présentation terminée, le jury passe à la deuxième phase de l’épreuve, celle des questions. Elle peut être déstabilisante pour le lycéen interrogé, que lui conseillez-vous pour que tout se passe bien ?

Je me répète mais, entre la présentation et les questions, il ne faut pas hésiter à bien respirer, à prendre son temps. Aux lycéens, je tiens à rappeler que le jury est bienveillant et que l’entretien va passer très vite. Dix minutes, ça lui laisse le temps de poser quatre ou cinq questions. Il y plus de chance que le jury commence par des questions simples, qui découlent de l’exposé, l’élève peut y répondre sans problème. Par la suite, il peut chercher à aller un peu plus loin, avec des questions qui demandent un peu plus de réflexion.

En cas de colle, les élèves peuvent-ils dire «je ne sais pas» ?

Bien sur, il faut être capable de dire «je ne sais pas». C’est du courage intellectuel. De toute façon c’est en commençant à raconter n’importe quoi qu’on se descend. Il faut bien se rappeler que même le jury ne sait pas tout sur tout. Nous ne sommes pas des singes savants, nous avons tous des lacunes. Par contre, avant de dire «je ne sais pas», il faut essayer d’affronter la difficulté d’une question, de la décortiquer, de réfléchir mais pas de tenter un bluff.

Un dernier conseil ?

C’est plus facile à dire qu’à faire mais il ne faut pas que les élèves partent à l’oral avec peur. Il faut l’aborder comme une épreuve sportive qui est l’occasion de valider une compétence qu’on acquiert pour la vie entière. L’oral c’est avant tout un échange.