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Mobilisation

Grève des profs de Seine-Saint-Denis : «Quand on voit les conditions de travail entre nous et Stanislas, il y a deux mondes»

Pendant la journée de grève de ce lundi 26 février annoncée comme le premier round d’un printemps de lutte, des professionnels de l’éducation de Seine-Saint-Denis se sont rassemblés devant l’établissement privé du VIe arrondissement pour interpeller le gouvernement afin d’obtenir un plan d’urgence pour leurs établissements.
Pendant une manifestation de professeurs réclamant la démission d'Amélie Oudéa-Castéra le 1er février à Paris. (Valerie Dubois/Hans Lucas)
par Hugo Forquès
publié le 26 février 2024 à 19h40

En ce lundi de rentrée des classes parisienne, le symbole est fort : un cortège de profs de Seine-Saint-Denis tenant le piquet de grève à quelques encablures de Stanislas, l’établissement scolaire privé catholique du VIe arrondissement de Paris, qui a fait les gros titres ces dernières semaines. Le rassemblement vient perturber le calme habituel du quartier. «On vient frapper un gros coup d’éclat. Il y a une très belle dynamique aujourd’hui», se réjouit la cosecrétaire de la CGT Educ’action 93, Louise Paternoster, à mesure que le groupe grossit.

A l’initiative de l’intersyndicale départementale (FSU, CGT Educ’action, SUD éducation, CNT), de nombreux professeurs du premier et du second degrés sont en grève. «Pas de moyens, pas de rentrée», scandent-ils. Les grévistes réclament un plan d’urgence immédiat pour leur département. Le mouvement est suivi par près de 40 % de professeurs en grève, selon les chiffres communiqués à la mi-journée par le Snes-FSU, principal syndicat du secondaire. Plusieurs centaines de manifestants bravent la pluie. Munie de son parapluie, Audrey, 36 ans, tenait à être présente : «Quand on voit les conditions de travail entre nous et Stanislas, il y a deux mondes», commente celle qui enseigne le français dans un collège à Gagny. Dans son établissement, un escalier est condamné à cause d’infiltrations récurrentes.

«On veut obtenir notre plan d’urgence»

Une réalité partagée par tous les professionnels présents dans le cortège. «Notre département est hors-norme. Il est le plus pauvre en France métropolitaine et le moins bien doté en matière d’éducation», regrette Louise Paternoster, également institutrice dans une école maternelle à la Plaine Saint-Denis. «Dans le lycée voisin, pendant près de trois mois, les élèves de première et terminale n’ont pas eu de cours de physique-chimie à cause d’un non-remplacement», abonde-t-elle. La représentante syndicale dénonce une situation qui est tout sauf un «fait isolé dans le département».

Depuis novembre, les syndicats enseignants du département s’organisent pour faire remonter les doléances des professionnels de terrain. Le département cumule les problèmes en matière d’éducation : des classes surchargées, des établissements sans accès à la médecine scolaire, des locaux sous-chauffés et insalubres.

Après la phase de concertation, les enseignants veulent agir. «On a eu un hiver combatif où on a réussi à faire tomber la ministre Oudéa-Castéra. On va avoir un printemps offensif», harangue Louise Paternoster. Le mouvement est accompagné par les CPE, eux aussi touchés par le manque de moyens dans les collèges de Seine-Saint-Denis. Martin travaille à Aulnay-sous-Bois. Ce matin, il a participé à une assemblée générale dans son collège. «Nous avons demandé la reconduction de la grève. On veut obtenir notre plan d’urgence», justifie-t-il. Les syndicats demandent 358 millions d’aides pour recruter près de 5 000 enseignants, mais aussi des postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et de CPE.

«On a à cœur de faire durer la mobilisation»

Avec son collège Raphaël, prof de français dans le même collège, ils poussent aussi pour l’abandon du «choc des savoirs». Cette réforme, amorcée lorsque Gabriel Attal était ministre de l’Education, comprend notamment la mise en place de groupes de niveau. Tous deux fustigent une politique «de tri social» instaurée à l’école.

Bloqué par les forces de l’ordre, alors qu’il avait pour intention de se rendre devant Stanislas, le cortège fait du surplace. Pas de quoi décourager les grévistes, rapidement dispersés. Comme de nombreux manifestants, à la fin du rassemblement, Martin file à la Bourse du travail de Paris pour une assemblée générale. Ils espèrent bien voter une grève reconductible. «On a à cœur de faire durer la mobilisation tant la situation dans notre département est dégradée», justifie Louise Paternoster. Sans doute rêvent-ils d’une mobilisation semblable à celle de 1998. Il y a vingt-six ans, les enseignants de Seine-Saint-Denis avaient obtenu la création de 3 000 postes après plusieurs mois de lutte.