«Ces élèves n’ont plus vocation à être accueillis dans le lycée.» Deux lycéens de seconde scolarisés dans le lycée du golfe de Saint-Tropez, mis en cause pour «un comportement totalement inapproprié», ont été de nouveau exclus de leur établissement, a annoncé le 7 mai le rectorat de l’académie de Nice dans un communiqué relayé par la ministre de l’Education nationale Elisabeth Borne. D’abord exclus en novembre pour des faits de harcèlement, ils avaient été respectivement réintégrés en janvier et en avril. Une décision assortie d’un sursis qui avait suscité l’incompréhension. Au point que près de 100 des 120 professeurs de l’établissement, accompagnés d’une partie du personnel administratif et périscolaire, avaient fait grève lundi 5 mai.
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Suspension applicable immédiatement
Le mouvement de mécontentement avait reçu le soutien de l’ancien ministre de l’Education nationale Gabriel Attal. «Agir pour que ce soit aux harceleurs de changer d’établissement et non plus aux harcelés, avait réagi le député sur X. C’était ma première décision en tant que ministre de l’Education nationale, prise par décret dès l’été 2023 […] Le harcèlement scolaire tue. Alors je le demande : ne revenons pas en arrière sur les progrès immenses réalisés ces derniers mois.» Une sortie à laquelle a répondu fermement sa successeure : «Cher Gabriel, le plan interministériel que j’ai lancé […] et que tu as mis en œuvre […] se poursuit. Il est entre de bonnes mains, je te rassure !»
Dans son communiqué mercredi, le rectorat précise que «les familles des élèves concernés seront reçues par le chef d’établissement ce vendredi». Un rendez-vous auquel doivent notamment participer l’inspecteur d’académie et le chef du pôle académique de lutte contre le harcèlement, «afin d’éviter toute nouvelle difficulté dans le déroulement de la procédure». Cette dernière a été décidée après que de «nouveaux éléments [ont été] portés à la connaissance de la rectrice par le chef d’établissement dans l’après-midi du 6 mai». Selon Ici (anciennement France Bleu), les deux adolescents, âgés de 15 et 16 ans, seront rescolarisés dans un autre établissement.
La convocation doit permettre de «signifier aux élèves leurs mesures conservatoires, c’est-à-dire qu’ils n’auront plus accès à l’établissement en attendant la tenue de conseil de discipline», explique à Libé Marie Guiraud, professeure au sein du lycée et gréviste. «En tant qu’enseignants, on a le sentiment d’avoir été entendus parce que le rectorat prend très au sérieux cette histoire», ajoute-t-elle tout en précisant que le mouvement du corps éducatif lundi ne visait pas expressément les deux élèves. «Ce qui nous importait, c’était de réagir à la décision de les réintégrer par le rectorat, parce que ça nous paraissait incohérent.»
Contactée à l’issue de cette convocation, l’académie de Nice indique à Libération que l’exclusion avec mesure conservatoire a bien été notifiée aux deux élèves et que leur conseil de discipline aura lieu le 21 mai à Toulon.
Des élèves «pas capables de savoir de quoi il est question»
Selon l‘avocat des lycéens, le point de départ de l’affaire remonte à la veille des vacances scolaires d’octobre, pendant un exposé : «Effectivement, il y a une situation de moquerie partagée par beaucoup de camarades de classe». Me Sefen Guez Guez affirme auprès de Libération que la victime désigne alors ses clients comme «chefs de file» d’un harcèlement composé de «bruits d’animaux» et de «gamineries».
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C’est après les vacances de la Toussaint que les deux adolescents sont exclus définitivement de l’établissement. «Il y a eu un emballement de la machine administrative et disciplinaire», déplore l’avocat, qui avait obtenu la réintégration des deux élèves avec sursis. L’élève réintégré en janvier «n’a jamais fait l’objet de la moindre heure de colle, du moindre avertissement, de la moindre sanction, soutient l’avocat, qui cite le dossier scolaire. Jamais on ne lui a reproché un comportement inapproprié.» Le second est réintégré fin avril, «et là ça devient un sujet national», grince l’avocat.
Quant au nouveau «comportement totalement inapproprié», Me Guez Guez évoque comme élément matériel une story publiée sur Instagram après la réintégration du deuxième élève accusé de harcèlement : «dedans, ils ont écrit “come-back”». Contacté sur ce point, le rectorat n’a pas pour l’heure pas confirmé. «Une telle ampleur pour un dossier pareil, c’est hallucinant», grince l’avocat. Selon lui, ses clients «payent le prix d’une politique éducative».
Mise à jour à 17 h 50, avec le compte-rendu de la réunion du jour et l’annonce du prochain conseil de discipline, le 21 mai