Privés d’Instagram, TikTok ou encore Snapchat, les jeunes Floridiens ? Arguant du danger des réseaux sociaux pour les ados, le gouverneur de l’Etat, Ron De Santis, a signé lundi 25 mars une loi visant à restreindre l’accès à ces plateformes pour les moins de 16 ans. Plus précisément, dès janvier 2025, les 13 ans et moins ne pourront plus créer de profil sur les réseaux sociaux. Les jeunes de 14 et 15 ans devront, eux, demander l’accord de leurs parents pour scroller en toute légalité.
«Nous essayons d’aider les parents à naviguer sur un terrain très difficile», s’est expliqué le gouverneur républicain. «Nous savons […] que davantage de crimes sont commis contre des enfants sur les réseaux sociaux que n’importe où ailleurs», a quant à lui estimé Paul Renner, le président de la Chambre des représentants de Floride, principal instigateur du projet. «Nous savons aussi que les réseaux sociaux ont un effet dévastateur sur la santé mentale de nos enfants», a-t-il poursuivi.
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Si la plupart des plateformes fixent déjà une restriction d’âge pour les moins de 13 ans, cette dernière est en réalité très facile à contourner. Il suffit par exemple à l’utilisateur de certifier lui-même avoir l’âge demandé pour naviguer en toute tranquillité. Mais cette fois, la mesure se veut plus contraignante. Les Floridiens devraient être contraints de vérifier leur identité pour les plateformes les plus à risque – définies dans cette loi par la présence d’au moins un tiers de contenus jugés «dangereux» pour les mineurs. Les parents pourraient également demander aux sites la suppression du compte de leur enfant. Et les entreprises ont tout intérêt à accéder à cette demande : en cas de manquement, elles pourraient être poursuivies et condamnées à verser jusqu’à 10 000 dollars de dommages et intérêts aux plaignants.
Les réseaux sociaux en potentielle addiction
La mesure ne fait pas l’unanimité. Pour certains détracteurs, c’est aux parents de surveiller l’utilisation des réseaux sociaux de leurs enfants et non aux autorités. D’autres s’inquiètent d’une possible violation du premier amendement de la Constitution qui garantit la liberté d’expression, ou encore de la dimension intrusive que peut représenter une vérification de l’âge des usagers.
Des arguments balayés par Paul Renner, qui affirme que les plateformes créent une dépendance nocive : «La consultation permanente, les ‘‘likes’’ et les cœurs qui donnent un petit coup de dopamine […] incitent à rester en ligne de plus en plus longtemps». Ron De Santis s’était opposé à un autre projet de loi interdisant l’utilisation des réseaux par les moins de 16 ans, qui ne tenait selon lui pas suffisamment compte de la volonté des parents. Or le gouverneur de Floride fait de la famille une des pierres angulaires de sa politique réactionnaire, au nom de laquelle il s’oppose par exemple aux cours liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.
Interview
Si l’efficacité d’une telle loi peut être questionnée, les républicains ne sont pas les seuls à s’être emparés du problème. Associations et spécialistes ont eux aussi multiplié les réserves devant l’insidieuse relation entre réseaux sociaux et adolescents. En novembre, Amnesty International dévoilait son étude, Poussé·e·s vers les ténèbres, qui se penchait sur la manière dont TikTok pouvait encourager les comportements à risque pour les jeunes à tendance dépressive. Plus largement, c’est le temps passé par les jeunes devant les écrans qui ne cesse d’inquiéter, avec des craintes de risque sur le développement cognitif des enfants, ou des situations conflictuelles au sein des familles.