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Le lycée du Golfe de Saint-Tropez en grève contre la réintégration d’élèves exclus pour harcèlement scolaire

Une centaine d’enseignants et de membres du personnel de l’établissement varois ont protesté, ce lundi 5 mai, contre la décision du rectorat.
A Nice, lors de la journee nationale de lutte contre le harcelement scolaire. (SYSPEO/SIPA/SYSPEO/SIPA)
publié le 5 mai 2025 à 18h18

Pour les enseignants, il y a comme une incohérence dans la décision. L’académie de Nice dispose depuis mars 2024 du tout premier pôle de lutte contre le harcèlement scolaire créé pour la prévention et la résolution de conflits au sein du rectorat. Pourtant, ce dernier vient d’imposer la réintégration avec sursis de deux élèves de seconde exclus en novembre pour harcèlement scolaire du lycée du Golfe de Saint-Tropez, à Gassin, dans le Var. Leur comportement avait été signalé dès septembre mais après leur exclusion par un conseil de discipline, les deux élèves ont fait appel par l’intermédiaire d’un avocat et obtenu gain de cause. De quoi susciter l’incompréhension de près de 100 des 120 professeurs de l’établissement ainsi que du personnel de l’administration et de la vie scolaire, en grève ce lundi 5 mai pour une journée.

Ces derniers ont cessé le travail pour dénoncer le sursis accordé en appel : «Notre grève n’est pas contre les élèves mis en cause», affirme Geneviève Clerc, enseignante et représentante Snes-FSU à Libération. «Elle est organisée pour interpeller la rectrice sur ce qui nous paraît une contradiction avec le protocole de lutte contre le harcèlement qui affirme qu’il faut protéger la victime», explique la professeure d’histoire-géographie.

«On n’est pas soutenus du tout !»

Sa collègue et camarade syndicale Marie Guiraud s’est également interrogée sur la décision auprès d’Ici Provence : «Que fait-on de la victime, qui va devoir recroiser ses agresseurs dans les couloirs ? […] Il y a d’un côté les effets d’annonce médiatiques – harcèlement, grande cause nationale – et de l’autre la réalité du terrain. Quand nous faisons remonter des faits graves, on n’est pas soutenus du tout !»

Le rectorat a pour sa part publié un communiqué rappelant son engagement dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Il assure que «cette décision ne remet nullement en cause les paroles de la victime dont l’accompagnement demeure une priorité» et que «les éléments transmis par l’établissement justifiaient la prise d’une sanction disciplinaire». Mais, «certaines erreurs et omissions, d’ailleurs reconnues par le chef d’établissement, ont conduit les membres de la commission d’appel à proposer, à l’unanimité, d’assortir ces deux décisions d’exclusion d’un sursis».

Soutien des parents d’élèves

Contactée par Libération, la directrice de cabinet de la rectrice de Nice, Valérie Neumann, assure que la protection de la victime sera garantie par l’établissement et que les élèves seront répartis dans différentes classes. Elle regrette que «le pôle de lutte contre le harcèlement n’ait pas été sollicité» avant le conseil de discipline pour trouver une médiation. Valérie Neumann souligne aussi l’isolement géographique du lycée du Golfe de Saint-Tropez et des élèves qui y étudient. C’est pourquoi «les élèves avaient été rescolarisés dans un autre établissement, mais les familles ont choisi de les faire revenir dans ce lycée compte tenu de l’isolement de ce territoire».

Malgré les justifications fournies par le rectorat, l’incompréhension domine aussi parmi les parents d’élèves. Ces derniers ont d’ailleurs fait part de leur soutien aux professeurs grévistes. «Notre positionnement est clair : on ne doit pas désavouer ses équipes sur un cas de harcèlement. Alors qu’on tient des discours qui disent qu’on fait la guerre au harcèlement, on ne fait rien pour», pointe Anne-Laure Julien, présidente du groupement autonome des parents d’élèves du Golfe auprès de Libé. Elle ne craint pourtant pas que les faits se réitèrent «parce qu’ils savent très bien que les professeurs comme l’établissement ne laisseront rien passer». Ces derniers écartent également cette hypothèse compte tenu du poids du sursis qui pèse sur les épaules des deux élèves.