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A l'insu de son plein gré

Lettres de menace aux parents d’élèves harcelés : l’ex-rectrice de Versailles s’excuse mais se défausse

Charline Avenel, qui était à la tête de la première académie de France jusqu’à juillet, s’est défendu samedi 23 septembre à la suite de plusieurs affaires qui ont mis en cause son rectorat ces derniers mois.
Charline Avenel, à Conflans-Sainte-Honorine, le 23 mai 2022 (Denis Allard/Libération)
publié le 24 septembre 2023 à 9h12
(mis à jour le 24 septembre 2023 à 10h43)

De l’art de ne pas assumer ses responsabilités. L‘ex-rectrice de Versailles, Charline Avenel, n’avait «pas eu connaissance» du courrier polémique envoyé par le rectorat aux parents de Nicolas, 15 ans qui s’est suicidé à la rentrée après avoir subi un harcèlement, a-t-elle affirmé dans un entretien publié samedi 23 septembre au soir par le Parisien.

Rejetant la faute de la rédaction et de la signature de ce courrier sur «la direction des ressources humaines du rectorat», elle a aussi précisé que «l’académie de Versailles est la plus importante de France avec 100 000 fonctionnaires, 80 000 enseignants et 1,2 million d’élèves». L’ancienne rectrice affirme «regretter de ne pas avoir eu connaissance de ces courriers et de ne pas avoir pu [s]’assurer qu’on tienne compte de la détresse des familles». Charline Avenel était à l’époque «en congés», ainsi que son adjoint, mais assure que «cela n’a rien à voir» avec cette absence d’information.

«J’ai été bouleversée en apprenant le décès de cet élève. Lorsque j’ai découvert il y a une semaine, dans la presse, l’existence de ce courrier, j’étais effondrée», déclare-t-elle. Elle présente également «des excuses aux parents de Nicolas» en son nom et au nom de l’institution qu’elle dirigeait au moment des faits, qualifiant ce courrier d’«inadmissible».

Dans l’entretien, elle a assuré ne pas avoir non plus su qu’une lettre du même acabit avait également été envoyée à une famille ayant signalé une agression sexuelle en début d’année sur leur fillette par un animateur périscolaire à Andrésy (Yvelines).

Charline Avenel a tout de même admis avoir «validé le principe de courriers adressés aux familles qui menacent les enseignants». Il s’agit des lettres appelées «comminatoires» auxquelles le personnel de l’Education nationale peut avoir accès pour rappeler des dispositions légales. «Mais jamais pour des correspondances avec des familles dont les enfants sont victimes de harcèlement. Je découvre que ces lettres de réprobation ont été envoyées, et je le crains en nombre, sans discernement à des familles en détresse», a-t-elle reconnu. Elle a déclaré à ce stade ne pas pouvoir dire si ces envois relèvent «d’une erreur humaine ou d’un problème systémique qui dépasse l’académie de Versailles».

Une ligne de défense qui fait enrager Laurent Zameczkowski, porte-parole de la fédération Parents d’élèves de l’enseignement public (Peep). «L’administration froide, sourde et aveugle qui a envoyé cette lettre était sous sa direction, estime le porte-parole ce dimanche sur franceinfo. Je crois en sa sincérité, néanmoins, elle est responsable de cet envoi». Laurent Zameczkowski pointe que les courriers émanent des «ressources humaines», des «gens qui s’adressent aux personnels de l’Éducation nationale qui répondent à des parents, ça n’a pas de sens». Et «si les ressources humaines ont la capacité d’écrire à des parents, c’est que [Charline Avenel] l’a validée à un moment».

Attal à la rencontre du nouveau recteur

Les réponses de l’administration aux familles de Nicolas et de la fillette qui accuse un animateur de violences sexuelles ont suscité de vives réactions au sein du gouvernement, qui a qualifié de «honte» le premier courrier révélé et «condamné fermement» le second.

Le ministre de l’Education a annoncé le lancement d’un audit sur la gestion des cas de harcèlement de septembre 2022 à septembre 2023 dans chaque académie. Gabriel Attal «se rendra dès lundi matin au rectorat de Versailles pour faire le point avec le nouveau recteur», nommé mi-juillet, a annoncé la rue de Grenelle.

Charline Avenel, qui a précisé avoir porté plaintes face à «une violente campagne de menaces et d’insultes sur les réseaux sociaux» s’est aussi défendue des accusations de proximité avec le chef de l’Etat. Ex-camarade de promo d’Emmanuel Macron à l’ENA, elle avait été nommée au rectorat de Versailles dans la foulée d’un décret du Président changeant les règles en vigueur : «Nous étions dans la même promotion de l’Ena, mais nous ne sommes pas proches. […] Je n’ai vu le Président qu’à de rares occasions toutes professionnelles depuis ma prise de fonction.» L’ex-rectrice a affirmé devoir sa place «à Jean-Michel Blanquer», l’ancien ministre de l’Education manifestement plus concentré sur sa lutte contre le wokisme que sur sa réforme du bac, «qui souhaitait faire venir de nouveaux profils dans son administration.»

Enfin, Charline Avenel a aussi tenté de répondre aux critiques sur sa façon d’exercer son poste à la tête de la plus grande académie de France, lui reprochant d’être davantage tournée vers les ministres et les coups de com que sur les équipes éducatives. «Pour être recteur, en l’occurrence rectrice, il faut avoir un sens politique aiguisé», a-t-elle plaidé. Un «sens politique aiguisé» auquel il faut ajouter une «une âme d’entrepreneuse», revendiquée par Charline Avenel en juillet, au moment de quitter le public pour prendre le poste de directrice général dans un grand groupe privé d’enseignement supérieur.

Mis à jour : à 10h40 avec les déclarations de la Peep.