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Réactions

Loi immigration : la caution pour les étudiants étrangers fait l’unanimité contre elle

Dans un rare communiqué commun ce jeudi 21 décembre, syndicats étudiants et présidents d’universités demandent à Emmanuel Macron de supprimer cette disposition. La mesure est critiquée au sein même de la majorité macroniste.
Des membres de la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE) manifestaient contre la loi immigration, à Paris, le 19 décembre 2023. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 21 décembre 2023 à 17h22

Ce n’est pas tous les jours que les étudiants et les présidents d’universités montent au front main dans la main. La loi immigration, votée au Parlement mardi 19 décembre, réussit ce tour de force. Ensemble, France universités (l’entité qui rassemble les dirigeants des facs et des grandes écoles) et les organisations d’étudiants «appellent le Président de la République, conformément à ses prérogatives constitutionnelles, à demander une nouvelle délibération du projet de loi par le Parlement sur la caution-retour afin de supprimer cette disposition», dans un communiqué commun publié ce jeudi 21 décembre.

Après les récentes fractures causées par les occupations lors de la loi retraite, les tensions autour de l’orientation ou la scission entre l’Unef et l’Union étudiante, la caution-retour rassemble tout le milieu académique contre elle. Même les dirigeants des écoles de commerce Essec, HEC et ESCP, fustigent des mesures «qui menacent gravement notre compétitivité internationale» et «anéantiraient l’objectif gouvernemental de doubler le nombre d’étudiants internationaux d’ici à 2027», dans une tribune au Parisien.

La caution-retour est une idée reprise par la macronie sous la pression de la droite. Elle consiste à exiger des étudiants étrangers une caution lorsqu’ils demandent un titre de séjour. Cet argent leur serait rendu lors du retour dans leur pays d’origine, à l’issue de ses études, ou en cas de changement de motif de titre de séjour. Elle sera par contre encaissée si le bénéficiaire est la cible d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) qu’il ne respecte pas. Un dispositif inédit en Europe, en dépit de ce que suggère la Première ministre Elisabeth Borne.

Même Le Maire et Philippe doutent

Les universitaires sont loin d’être les seuls remontés contre cette disposition de la loi. Au sein même de la majorité présidentielle, de nombreuses personnalités ont exprimé leur scepticisme quant à cette disposition. Pour le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, cette caution-retour «n’était pas la plus indispensable» des mesures, tandis que l’ancien Premier ministre Édouard Philippe a admis qu’il «ne se serait pas battu dessus».

Au micro de France Inter, Elisabeth Borne a tenté de dégonfler la polémique, en évoquant des frais «de dix euros, 20 euros». Selon la cheffe du gouvernement, la fronde en cours s’explique par le fait que les présidents d’universités et responsables de grandes écoles «n’ont sans doute pas eu le temps de lire le texte dans lequel» il est dit «très clairement que le ministre de l’Enseignement supérieur peut dispenser de cette caution des étudiants en fonction de leurs ressources, de leur parcours scolaire et universitaire».

Un argument balayé par les étudiants et chefs d’établissements : «Cette discrimination par l’argent, quels qu’en soient le montant et les exceptions qu’elle pourrait comporter, est contraire à nos valeurs et, comme telle, doit disparaître», martèle le communiqué, avant de préciser que 40 % des doctorantes et doctorants du pays sont étrangères.

Ils font donc directement appel au président de la République. «Honnêtement», la caution demandée aux étudiants étrangers, «ce n’est pas une bonne idée», a admis Emmanuel Macron sur France 5 mercredi soir. «Je vous le dis en toute sincérité, parce que je pense qu’on a besoin de continuer à attirer des talents et des étudiants du monde entier», a poursuivi le chef de l’Etat. En lui demandant de faire jouer son droit à mettre en place une nouvelle délibération sur le sujet, les étudiants et leurs présidents somment donc Emmanuel Macron de faire preuve de cohérence.