Le premier état des lieux réalisé au sein du rectorat de Versailles est vertigineux. Au cours de l’année scolaire 2022-2023, sur 120 «courriers de réprobation» envoyés, 55 «semblent poser question», a déclaré le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, lundi, après une courte visite aux personnels du rectorat et au nouveau recteur, Etienne Champion. Cette institution est sous le feu des critiques depuis huit jours, pour avoir envoyé des lettres comminatoires aux parents du jeune Nicolas, alors victime de harcèlement, qui s’est finalement suicidé au début du mois à son domicile de Poissy (Yvelines), ainsi qu’au père d’une fillette de 11 ans qui aurait subi des attouchements de la part d’un animateur périscolaire.
Les courriers de réprobation sont envoyés quand des familles menacent ou agressent des personnels. «Lorsque l’intégrité physique d’un agent de l’éducation nationale est menacée, évidemment que l’institution a vocation à se tenir aux côtés de ces agents et à le faire savoir», a insisté Gabriel Attal. Mais «ce courrier n’aurait pas dû être envoyé à des familles qui vivent des situations de harcèlement», a-t-il assuré, qualifiant une nouvelle fois cette réaction d’«erreur» et de «faute». Les conclusions de l’audit de l’inspection générale portant sur le suicide du jeune Nicolas doivent être remises «dans le courant de la semaine prochaine».
Chaque famille contactée
Au-delà de ce cas, chaque famille destinataire d’un courrier de réprobation de la part du rectorat de Versailles «sera contactée individuellement pour un échange avec des agents», a poursuivi le ministre. «J’ai appelé à un électrochoc collectif et l’électrochoc a commencé.» Son mot d’ordre : «100 % prévention, 100 % détection et 100 % réaction.»
Tous les rectorats font depuis quelques jours l’objet d’un audit, qui doit permettre de mettre au jour des réactions déplacées de la part de l’institution. Les conclusions sont attendues pour la mi-octobre. Le ministre a également demandé à tous les recteurs et rectrices de faire remonter leurs besoins en matière de lutte contre le harcèlement scolaire, chaque académie devant ensuite se doter d’une stratégie propre. «Il faut remettre de l’humain à tous les étages. Plus d’humain, c’est plus de moyens. Des situations de harcèlement aussi dramatiques ne se gèrent pas avec des courriers», a jugé le ministre.
Un plan interministériel présenté mercredi
Un plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire sera par ailleurs présenté mercredi après-midi, à Matignon. «Le ministre a évoqué différentes pistes, dont celle de la prévention, avec son souhait de mettre l’accent sur la formation des personnels au programme pHARe. Mais attention, ce programme ne peut pas être l’alpha et l’omega», a déclaré à l’AFP Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du second degré. Il y a aussi «l’idée de faire du 9 novembre (journée nationale de lutte contre le harcèlement) une journée avec des temps banalisés partout en France pour faire une sorte de grand électrochoc», a ajouté Béatrice Laurent, secrétaire nationale Unsa-Education.
Le plan contre le harcèlement scolaire avait été annoncé dès juin, après le suicide d’une adolescente de 13 ans, Lindsay. «La lutte contre le harcèlement est absolument essentielle», a rappelé Emmanuel Macron dimanche soir, sur TF1 et France 2. Depuis l’été, une série de mesures a déjà été mise en place face à ce que la Première ministre, Elisabeth Borne, a qualifié de «priorité absolue» de la rentrée 2023 : la possibilité de changer d’établissement les élèves harceleurs scolarisés en école primaire dès cette année ou de pouvoir sanctionner un auteur de cyberharcèlement contre un élève d’un autre établissement.
Mesures contre le cyberharcèlement
Le ministre de l’Education entend cependant aller plus loin pour protéger les victimes, en s’occupant notamment du volet cyberharcèlement. Lors d’une visite à Copenhague au Danemark, un pays qui fait figure de modèle dans la lutte contre ce fléau, Gabriel Attal a dit vouloir que la confiscation du téléphone portable de l’enfant auteur de cyberharcèlement grave soit systématique. Il a aussi mis en avant la possibilité d’interdire l’accès aux réseaux sociaux des mineurs mis en cause. Gabriel Attal avait également évoqué plancher sur la mise en place d’un questionnaire pour tous les élèves afin de repérer les «signaux faibles» dans la lutte contre le harcèlement.
Plus globalement, le gouvernement revendique d’envoyer des «messages très forts» aux harceleurs en témoigne l’arrestation lundi dernier en plein cours d’un collégien soupçonné de harcèlement à l’encontre d’une lycéenne transgenre à Alfortville (Val-de-Marne).
Mise à jour à 18h17 avec l’annonce de Gabriel Attal des 55 courriers de réprobation envoyé par le rectorat de Versailles.