«Les retraites c’est aussi une affaire de jeunes. On peut être le point de bascule, l’étincelle de la mobilisation.» Devant la gare Saint-Lazare à Paris, Eléonore Schmitt, porte-parole du syndicat l’Alternative, croit dur comme fer à l’amplification du mouvement des jeunes contre la réforme des retraites. Mais pas que : la manifestation de ce jeudi est aussi l’occasion de dire non à la précarité des étudiants, alors que le dossier sur la réforme des bourses patine. Plus loin, les banderoles se déplient et les chants sont entamés. «Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère : cette société, on n’en veut pas», scandent des jeunes dont les manteaux sont estampillés d’un sticker du NPA.
Soudain, une bande de lycéens de Racine (VIIIe arrondissement), qui ont bloqué leur établissement le matin même, débarque. «C’est tous ensemble qu’il faut lutter car c’est tous ensemble qu’on va gagner !» A côté, Mélina, sac Eastpak sur le dos, a aussi participé au blocage de son lycée à Chelles (Seine-et-Marne). «La retraite passe mercredi prochain [en commission mixte paritaire]. Si on ne bloque pas maintenant, personne ne le fera à notre place. Nous aussi, on a un avis qui compte», rappelle-t-elle. Pour l’une de ses camarades, blouson en cuir et piercing au nez, le gouvernement a d’ailleurs «peur de la jeunesse» car «il sait qu’elle est moins encadrable» que le reste de la population. Alors que cette semaine est riche en mobilisations en tout genre – contre la réforme mardi, pour les droits des femmes mercredi, contre la précarité étudiante ce jeudi, et pour le climat demain –, elle juge que le gouvernement actuel coche toutes les mauvaises cases : «Liberticide, anti-démocratique, répressif, sexiste… Bref, la liste est longue !»
Pour un revenu universel étudiant
En milieu de parcours, quelques tensions éclatent. Trois jeunes encagoulés et vêtus de noir brisent les vitres d’un Franprix, symbole selon eux du «capitalisme». Le même traitement est réservé à une salle de sport. Une Mercedes grise est pour sa part incendiée un peu plus loin, et des pétards sont lancés aux pieds des forces de l’ordre. Pendant ce temps, le reste du cortège reste impassible et continue de chanter. En son sein, de nombreux étudiants en école d’architecture. Lunettes de soleil sur le nez et sous le ciel gris parisien, Baptiste représente l’établissement Paris-Malaquais (VIe arrondissement). «Les archis sont des écoles précaires. On fait partie des budgets par étudiant les plus bas des écoles du supérieur», explique l’étudiant de 20 ans. Logé dans un appartement du Crous, il touche 400 euros de bourses par mois et se rend chaque samedi aux distributions alimentaires. Comme l’ensemble des syndicats, il milite pour un revenu universel étudiant. «Il y a des jeunes qui ne sont aidés ni par l’Etat, ni par leurs parents», défend ce jeune homme issu d’une «famille de prolos».
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Outre la réforme des retraites et celles des bourses, d’autres militent contre le Service national universel (SNU), qui pourrait bientôt devenir obligatoire. Ambre, étudiante en première année de philo, craint une «militarisation du pays». Engagée politiquement depuis l’âge de 15 ans, la jeune femme au chignon relevé et au rouge à lèvres couleur vermillon a pris part à toutes les manifs cette semaine, et même «les piquets de grève à Gare du Nord à 5 heures du matin». Mais ce jeudi, elle se dit «un peu déçue» par les chiffres : «Je pensais qu’on serait plus à venir. On ne devrait pas être quelques centaines, mais quelques milliers.» A la fin de manifestation, place de la République, Ephram Strzalka-Beloeil, secrétaire nationale de La Voix Lycéenne, trouve de son côté cette journée «très satisfaisante», avec notamment «200 lycées bloqués» dans toute la France. Une façon de voir le verre à moitié plein.