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Menu unique dans les cantines : un collectif de parents d’élèves conforté par la justice près de Lyon

En 2016, la municipalité de Tassin-la-Demi-Lune avait imposé un menu unique dans les cantines scolaires. Des parents d’élèves ont obtenu du tribunal administratif qu’il enjoigne le maire LR à proposer un menu de substitution aux enfants.
Pour l’heure, les élèves qui ne souhaitent pas manger de chair animale doivent se contenter d’un seul «légume» ou d’un «féculent» proposés au titre d’une portion d’«accompagnement». (Frederic Scheiber/Hans Lucas. AFP)
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 7 novembre 2024 à 10h17

Anissa Mezhoud souhaite s’affranchir de toute «logique communautaire». Et se félicite de la décision du tribunal administratif (TA) de Lyon, qui a enjoint, le 22 octobre, au maire de Tassin-la-Demi-Lune d’abroger le menu unique proposé dans les cantines de cette commune de 22 700 habitants de la métropole de Lyon. Membre d’un collectif de parents d’élèves d’un des cinq groupes scolaires de la ville, cette mère de trois enfants s’est attaquée à cet état de fait en 2022, au côté de la Licra. «C’est la dérive d’une mauvaise interprétation de la laïcité, qui prend en otage des enfants, qui va à l’encontre de la cohésion sociale indispensable à l’heure actuelle dans notre pays, explique-t-elle à Libération. Ma seule boussole, c’est le vivre-ensemble.»

Depuis 2016, Pascal Charmot, maire Les Républicains de Tassin-la-Demi-Lune, a instauré un menu sans substitution pour les enfants ne mangeant pas de viande, invoquant alors de nouvelles contraintes logistiques dans la fabrication des repas, suite à la mise en place d’une délégation de service public (DSP) avec un prestataire de restauration collective, Sogeres. Ce changement de mode de gestion avait fait l’objet d’une délibération du conseil municipal le 6 juillet 2016. «Certes, le cahier des charges du renouvellement de la DSP ne demande pas de supprimer les menus de substitution mais propose au prestataire de prévoir un menu unique», a pointé la rapporteure publique lors de l’audience du 8 octobre du TA de Lyon.

Respect du végétarisme et gaspillage alimentaire

«La cantine est un lieu de sociabilisation dans l’école publique qui m’est chère, les enfants doivent pouvoir déjeuner tous ensemble quelles que soient leurs habitudes alimentaires», souligne Anissa Mezhoud. Cette cadre dans une grande entreprise réclame la mise en place d’un second plat principal non carné. Pour l’heure, les élèves qui ne souhaitent pas manger de chair animale doivent se contenter d’un seul «légume» ou d’un «féculent» proposés au titre d’une portion d’«accompagnement» par Sogeres. Le collectif de parents plaide également le respect du choix du végétarisme et l’enjeu du gaspillage alimentaire, renforcé selon eux par l’absence d’alternative dans les assiettes.

«Le droit permet aujourd’hui d’avoir des menus de substitution, le juge [administratif] demande ici de les réintroduire», résume l’avocate d’Anissa Mezhoud, Me Maëlle Comte, du cabinet Admys, spécialiste des collectivités territoriales et de la laïcité. La mairie de Tassin-la-Demi-Lune a annoncé le 6 novembre dans un communiqué vouloir interjeter appel de cette décision du tribunal administratif, dont «la ville prend acte, avec stupéfaction et gravité». «Ce jugement est évidemment politique et c’est grave qu’il le soit», dénonce le maire Pascal Charmot, cité dans le communiqué, concluant que «c’est l’expression des élus de façon générale qui est en danger». Selon lui, «la jurisprudence, en l’absence de loi, précise que ces menus [de substitution] ne sont pas obligatoires mais doivent être maintenus s’ils ont existé, or ces derniers n’existaient pas et aucun document officiel n’en atteste. […] Alors comment puis-je remettre quelque chose qui n’a pas existé ? A moins que le juge ne me fasse une liste de courses !»

«Erreur de droit»

Or cette version est mise à mal par la décision du tribunal administratif de Lyon, pour qui «il ressort des pièces du dossier» que «le maire a expressément confirmé lors de la séance du conseil municipal du 1er juin 2016 que le choix du délégataire se ferait dans un esprit de laïcité confirmant ainsi que les menus de substitution ne seraient plus proposés aux élèves. […] La commune de Tassin-la-Demi-Lune qui ne conteste pas que de tels menus étaient proposés auparavant, ne peut sérieusement soutenir qu’aucune décision supprimant les menus de substitution n’a été prise en 2016.» Dès lors, le motif retenu par la municipalité «pour justifier la suppression de menus de substitution est entaché d’erreur de droit», relève le tribunal.

«L’appel n’est pas suspensif et ne donnera pas lieu à une nouvelle décision [de justice administrative] avant 2026», indique Me Comte. La collectivité devrait, en théorie, notifier dès maintenant à Sogeres la nécessité de négocier un avenant à la DSP qui, si ce dernier est récusé par le prestataire, pourrait donner lieu à la résiliation du contrat et à la publication d’un nouvel appel d’offres public. En attendant, la mairie est donc assujettie par la justice administrative à rétablir un menu de substitution dans les six mois, soit avant la prochaine rentrée scolaire.