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«Monsieur le ministre, vous êtes ici chez vous» : Gabriel Attal au Medef, une histoire de mamours

Pour la première fois, un ministre de l’Education nationale est intervenu lors du rendez-vous mensuel de l’organisation patronale. Une longue séance d’amabilités réciproques, et un symbole puissant en cette réforme décriée de l’enseignement professionnel, accusée d’affaiblir l’école pour mieux se plier aux attentes des entreprises.
Gabriel Attal au rendez-vous mensuel du Medef, à Paris, le 14 novembre. (Eliot Blondet /ABACA)
publié le 14 novembre 2023 à 15h19

Le Medef s’étonne, Gabriel Attal s’étonne que le Medef s’étonne, bref tout le monde est étonné. Ce mardi matin, une scène inédite s’est déroulée dans les locaux de l’organisation patronale : pour la première fois, un ministre de l’Education nationale est intervenu lors de son assemblée permanente, son rendez-vous mensuel. «De mon point de vue, c’est très positivement lourd de signification», s’est félicité Patrick Martin, président du Medef depuis cet été. «C’est assez étonnant que ce soit étonnant que le ministre de l’Education nationale vienne intervenir à l’assemblée permanente du Medef, parce qu’on doit travailler beaucoup plus ensemble», a rétorqué Gabriel Attal. Etonnant, on vous dit.

«L’entreprise entre dans l’école»

Moins étonnante fut la session d’amabilités d’une heure qui a suivi. «Monsieur le ministre, vous portez des réformes qui, de notre point de vue, sont fondatrices, sont bien nécessaires et qui, pour l’une d’entre elles, la réforme des lycées professionnels, sont de nature à régler beaucoup, beaucoup de problèmes auxquels notre pays, nos entreprises, notre économie aussi sont confrontés, a roucoulé Patrick Martin devant l’assistance. Monsieur le ministre, vous êtes ici chez vous, soucieux que l’entreprise entre dans l’école et que l’école entre dans l’entreprise.»

Et d’achever : «Pour vous dire à quel point je suis motivé par les sujets que vous portez, ce soir je dînerai avec Carole Grandjean [la ministre déléguée en charge de l’Enseignement et de la Formation professionnels, ndlr] pour parler de la réforme des lycées professionnels De quoi certainement ravir les professeurs de lycée pro, qui se sont mobilisés comme jamais l’an passé contre ladite réforme, qu’ils accusaient d’affaiblir l’école pour se plier aux attentes des entreprises.

Face aux représentants des patrons, Gabriel Attal est venu tant défendre son action et celle du Président que chercher des alliés. Pour le déploiement national de la «découverte des métiers», d’abord, un dispositif visant comme son nom l’indique à familiariser les collégiens, à partir de la cinquième, à une pluralité de parcours professionnels. «On a entendu qu’on allait casser le collège, trier les élèves selon leur origine sociale ou pire encore. Ceux qui disent ça n’ont rien compris à ce qu’était le monde de l’entreprise, a défendu le ministre. Faire une politique d’orientation sans les entreprises reviendrait à priver les élèves de leur principal accès à leurs débouchés professionnels.»

Selon Gabriel Attal, 10 000 enseignants se seraient portés volontaires pour chapeauter cette découverte des métiers, en signant le «pacte», cet engagement à assurer de nouvelles missions moyennant une prime. «Ils n’attendent qu’à être sollicités ou à recevoir une réponse à leurs sollicitations», a lancé le ministre à l’assemblée. Qui a précisé avoir demandé la création d’une plateforme nationale cartographiant les professionnels partants pour venir en classe parler de leur métier.

Séance de câlinothérapie

Autre appel aux bonnes volontés : les stages de seconde. «Là aussi, j’aurai besoin de vous.» Du 17 au 28 juin, en effet, les élèves de seconde générale et technologique devront effectuer deux semaines de stage, dans un objectif à la fois de «reconquête du mois de juin» et de renforcement du lien entre l’école et le monde du travail. «Il faut qu’on puisse avoir des stages de qualité en nombre», a plaidé le ministre. Lui-même a effectué sa semaine d’observation de troisième au rayon lingerie d’un grand magasin, a-t-il précisé, assurant que cela lui avait été «utile» car «aucun stage n’est inutile».

Les élèves des quartiers politique de la ville se verront ouvrir la plateforme monstagedetroisieme.fr, dont l’objectif est de permettre aux collégiens scolarisés en éducation prioritaire, qui souvent n’ont pas de réseau, de trouver des stages dans un domaine qui les intéresse.

«Nous sommes très déterminés pour accueillir les stagiaires, que ce soit en troisième ou en seconde, a réagi Patrick Martin. Ce seront nos collaborateurs de demain. Avec des comportements qui nous déroutent, qui nous exaspèrent, mais qui seront nos collaborateurs. Il faut qu’on organise de la manière la plus fluide possible l’accueil en stage»

Interpellé par un participant sur l’impossibilité actuelle pour les élèves d’effectuer des stages durant l’été s’ils le souhaitent, Gabriel Attal s’est engagé à «regarder ce sujet». «Je suis très favorable à ce que tous les jeunes qui veulent faire un stage puissent faire un stage», a-t-il ajouté. Un compliment sur l’efficacité du ministre, un autre sur la campagne de communication gouvernementale en faveur du métier d’enseignant, et Gabriel Attal s’en est allé. Une séance de câlinothérapie sûrement bienvenue, alors que les personnels de l’Education nationale sont au plus mal.