Les faits s’éclaircissent peu à peu mais l’émotion persiste après la violente agression de Samara, 13 ans, à la sortie de son collège de Montpellier mardi. Si trois mineurs ont été mis en examen pour «tentative d’homicide volontaire» après avoir reconnu les faits, certains détails demeurent flous. Libération fait le point sur ce qu’on sait de cette affaire.
L’agression
Il est environ 16 heures mardi 2 avril après-midi, lorsque Samara, une adolescente de 13 ans, est rouée de coups par trois mineurs à proximité de son collège Arthur-Rimbaud, situé dans le quartier de la Mosson-la Paillade, dans le nord-ouest de Montpellier. Selon sa mère, qui s’exprime dans de nombreux médias, les faits auraient eu lieu alors que la jeune fille se rendait à un arrêt de bus à 150 mètres de l’établissement scolaire, rapporte Midi libre.
Mercredi matin, la mère de la victime, «citant des témoins» présumés de l’agression auprès du site Actu.fr, évoque des violences qui auraient été commises par «20 à 25 garçons, tous mineurs semble-t-il». Toujours selon ces premiers propos, ils l’auraient «attendue à la sortie», «avant de se ruer sur elle, de la frapper, de la jeter à terre et de lui porter de violents coups de pied», puis de prendre la fuite.
En fin de matinée mercredi 3 avril, le parquet de Montpellier a envoyé un premier communiqué de presse, dans lequel il est dit que Samara a été «frappée par un groupe de trois individus».
Jeudi matin, la mère de l’adolescente a affirmé sur RMC avoir «pu reconfirmer avec elle certains points : elle m’explique qu’elle est sortie du collège pour prendre le bus scolaire et que, là, trois jeunes filles l’ont attrapée par le bras et l’ont dirigée de force vers un groupe de jeunes», qui l’auraient alors violentée.
Toujours est-il qu’après l’agression, Samara a été prise en charge par les pompiers, «gravement blessée», et transportée à l’hôpital Lapeyronie, dans lequel elle est placée dans un coma artificiel. Le lendemain, mercredi en fin de matinée, le parquet a affirmé que «son pronostic vital n’est plus engagé». En fin de journée, sa mère a déclaré à BFMTV que sa fille était «sortie du coma», bien que restant «traumatisée», «un peu perdue» et «désorientée».
La sortie de l’établissement
Toujours selon la mère, qui s’est exprimée mercredi matin sur Midi libre, le principal du collège Arthur-Rimbaud l’aurait appelée mardi avant l’agression, pour qu’elle vienne chercher sa fille à la sortie des cours. Il l’aurait «prévenue qu’un attroupement de jeunes s’était formé à la sortie». «J’ai demandé au collège de la garder dans l’enceinte de l’établissement jusqu’à ce que j’arrive. Mais ils ne l’ont pas fait», dénonce-t-elle.
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Sur France Info jeudi, après l’appel «du professeur principal» de Samara «à 12 h 30», elle précise avoir contacté la vie scolaire, pour leur demander d’empêcher sa fille sortir de l’établissement, mais «le message n’est pas passé à temps», déplore-t-elle. «On m’a confirmé à deux reprises qu’elle resterait devant le portail et qu’elle m’attendrait à l’intérieur de l’établissement», a-t-elle ajouté auprès de France Bleu.
Sur ce point précis, ni l’établissement ni le rectorat ni le ministère de l’Education ne se sont pour l’instant exprimés.
Le harcèlement
Dans un communiqué publié vendredi, le parquet affirme que Samara, interrogée brièvement par les enquêteurs, a révélé d’autres violences subies quelques jours plus tôt, infligées par l’un des trois mis en cause. Mais l’adolescente «n’a pas évoqué spécifiquement à ce stade de faits harcèlement sur longue période la concernant».
Sa mère avait pourtant expliqué que la jeune fille était victime de harcèlement dans le collège depuis «un an et demi, deux ans». Une de ses camarades aurait même été exclue de l’établissement pendant deux journées en juin 2023, après avoir publié une photo d’elle sur les réseaux sociaux appelant à la violer, d’après les dires de la mère auprès de BFMTV.
Quelques jours avant l’agression, toujours selon la mère, des élèves auraient «lancé un hashtag sur les réseaux sociaux pour appeler à un rassemblement» contre la collégienne, dans le contexte de ce harcèlement, a-t-elle déclaré auprès de Midi libre.
De son côté, la rectrice de l’académie de Montpellier, Sophie Béjean, a assuré mercredi soir que le principal du collège «n’a pas été au courant de ce qui s’est passé avant les faits, ni même tout de suite après», relate Midi libre. La responsable éducative a appelé à «être prudent sur ce qui est dit ou pas».
Admettant qu’il «y a des situations qui sont complexes et dont on ne connaît pas toujours tout», la rectrice a toutefois souligné que le collège Arthur-Rimbaud est «un établissement qui est très mobilisé sur les problèmes de harcèlement». «Dans cet établissement, plusieurs mesures disciplinaires ont été prises pour des situations de harcèlement. Elles sont traitées», a ajouté Sophie Béjean.
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Par ailleurs, la mère avait aussi relié l’agression à ses habitudes vestimentaires : «Samara se maquille un peu. Et cette jeune fille [qui aurait agressé Samara, ndlr] est voilée. Toute la journée, elle la traitait de «kouffar», qui veut dire «mécréant» en arabe. Ma fille, elle s’habille à l’européenne. Toute la journée, c’était des insultes, on la traitait de «kahba», ça veut dire «pute» en arabe», avait-elle assuré jeudi matin sur RMC. Puis, sur le plateau de TPMP jeudi soir, la mère de Samara avait ensuite affirmé que sa fille «est pratiquante et pieuse. Elle observe le jeûne du mois de Ramadan et fait la prière cinq fois par jour».
Le parquet, quant à lui, n’a évoqué vendredi soir aucune dimension religieuse dans l’origine de ce déferlement de violence, mais plutôt des «invectives» entre élèves sur les réseaux sociaux.
L’enquête judiciaire
Le parquet a saisi la brigade «atteintes aux personnes» du service local de police judiciaire de Montpellier. Une mineure de 14 ans, scolarisée dans le même établissement, a été interpellée mercredi matin. Deux autres mineurs, âgés de 14 et 15 ans, deux garçons de 14 et 15 ans scolarisés dans d’autres établissements de Montpellier, ont ensuite été arrêtés. L’un d’entre eux «était déjà connu de la justice», toujours selon le parquet.
En garde à vue, tous les trois ont «admis avoir porté des coups», selon le parquet. Celui-ci a requis le placement en détention provisoire de l’adolescent de 15 ans, «suspecté d’avoir porté les coups les plus violents». Cette demande a été rejetée par le juge des libertés et de la détention. Mais les trois ont été mis en examen vendredi soir pour «tentative d’homicide volontaire» et placés sous contrôle judiciaire.
La mère de Samara a dit jeudi matin sur RMC avoir «déposé plainte contre X» au commissariat central de Montpellier.
La ministre de l’Education Nicole Belloubet a annoncé jeudi lancer une enquête administrative pour «tout savoir sur ce qui s’est passé durant les semaines et les mois» dans le collège Arthur-Rimbaud qui ont précédé cette agression. La ministre donne «huit jours de travail» à cette mission d’inspection pour récolter «les éléments» dont elle «va tirer toutes les conséquences». «Je puis vous assurer que mon bras ne tremblera pas», a-t-elle promis.
Quant à l’académie de Montpellier, elle a fait savoir dans un communiqué transmis à Libé ce vendredi qu’elle engageait «immédiatement les procédures disciplinaires à l’encontre des trois élèves mineurs mis en cause». Des conseils de discipline devraient se réunir «dans les plus brefs délais». «Dès à présent et par mesure conservatoire, l’accès à leur établissement respectif leur est strictement interdit», poursuit l’académie. L’accompagnement des élèves et des équipes sera lui maintenu pendant les vacances de printemps.
Mise à jour : ce samedi 6 avril à 9h27, avec l’ajout de la mise en examen des trois mineurs suspects, et de davantage de détails sur les faits d’après les éléments communiqués par le parquet.