«Concrètement, des milliers d’enfants ont faim, ont soif, ne peuvent pas se laver, ne peuvent pas aller à l’école.» Cette phrase de la présidente de l’Unicef France, Adeline Hazan, résume parfaitement le rapport «Grandir en Outre-mer, état des lieux des droits de l’enfant», paru le lundi 20 novembre, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant. Le constat que dresse ce document dans les territoires d’Outre-mer est alarmant : il décrypte une «situation globalement plus défavorable en matière de respect des droits de l’enfant dans ces territoires» par rapport à l’Hexagone et réclame une «prise de conscience et une action ambitieuse» de la part des pouvoirs publics.
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Cette situation défavorable, qui touche le 1,2 million d’enfants vivant en Outre-mer, part d’un constat clair : la proportion de mineurs vivant sous le seuil de pauvreté est trois à quatre fois plus importante que dans l’Hexagone. Concrètement, 5 enfants sur 10 à la Réunion, 6 enfants sur 10 en Guyane et 8 enfants sur 10 à Mayotte sont concernés par cette problématique.
De cette pauvreté accrue découle de nombreuses atteintes aux droits des enfants, comme celui de l’accès à la santé et aux services essentiels à leur bien-être. Taux de mortalité infantile deux fois plus élevé dans certains territoires, violences sexuelles et intrafamiliales exacerbées, moins de jours d’école… Les effets sont délétères.
En termes de santé mentale, les données donnent le vertige : selon Santé publique France, le taux de suicide chez les jeunes et dans les villages isolés en Guyane en décembre 2020 était «jusqu’à huit fois plus élevé» qu’en France métropolitaine. A Mayotte, «la carence des services de protection de l’enfance favorise l’isolement des enfants et des comportements à risque», est-il écrit dans le rapport. Pour ce qu’il est en de la santé physique, là aussi, les conséquences sont lourdes et témoignent de l’étendue du problème. Parmi tous les chiffres, un se démarque : le taux de mortalité infantile est supérieur dans les territoires d’Outre-mer. La répartition inégalitaire des centres de soins, la mobilité contrainte sur les territoires ou encore le mauvais accès à l’eau potable expliquent ce phénomène.
«Invisibles»
Cette situation de pauvreté éloigne davantage les enfants du système scolaire. Nombre d’entre eux demeurent «invisibles» pour les services sociaux. Les raisons, elles, sont également nombreuses : pratiques discriminatoires, manque d’infrastructures, éloignement géographique ou encore, problèmes administratifs. En Guyane, on dénombre entre 5 900 et 10 000 enfants hors de l’école. Par rapport à l’Hexagone, le taux de scolarisation des enfants de 6 à 13 ans est de pratiquement 8 points inférieur à la moyenne de l’ensemble du territoire national.
Le cercle familial et intime aussi pâti de ces atteintes aux droits des enfants : pour 1 000 habitants, 6 ont été exposés à des violences intrafamiliales en Polynésie française et 7 en Nouvelle-Calédonie, contre 2,7 en France métropolitaine. Cette proportion s’explique notamment par «la grande précarité économique et la promiscuité dans les logements, les taux d’addictions élevés et la persistance dans certaines familles d’un modèle éducatif où demeurent des violences éducatives ordinaires», selon le rapport.
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Alors que l’Etat a entamé en juillet avec les collectivités ultramarines un important travail pour améliorer les conditions de vie des populations dans le cadre du Comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui réclame de «remettre l’enfant au cœur des préoccupations des pouvoirs publics quand il s’agit d’outre-mer», clame la présidente de l’Unicef France.
Dans un communiqué commun, Olivier Nicolas et Béatrice Bellay, respectivement Premiers secrétaires fédéraux du PS de Guadeloupe et de Martinique, ont qualifié les constats dressés par l’Unicef d’«effrayants», appelant le président Emmanuel Macron «à sortir enfin du déni et à renouer avec la politique d’égalité réelle qui avait été engagée dans les Outre-mer sous le précédent quinquennat et qui a été délibérément abandonnée à partir de 2017».