Manque d’information, de préparation, de soutien et hausse des inégalités liée à la crise sanitaire : l’inquiétude des étudiants en classe de terminale ne cesse de croître à l’approche de l’oral du bac. Au moment où leur «avenir est en jeu», ces derniers expliquent se sentir abandonnés par l’Education nationale. A tel point que certains souhaitent que cette nouvelle épreuve du baccalauréat, prévue en juin, soit annulée, à l’image des épreuves de spécialité, initialement prévues en mars. Pour tenter d’y parvenir, où du moins de se faire entendre, plusieurs lycéens d’une classe de Versailles (Yvelines) se sont mobilisés au travers d’une pétition qui regroupe aujourd’hui plus de 9 000 signatures. «Monsieur Blanquer, regardez la réalité en face», «Pensez à nous monsieur le ministre, notre santé, notre futur», implorent désespérément les élèves dans la pétition, alors que les nouvelles mesures sanitaires dans les zones confinées prévoient de ne plus accepter en classe qu’un élève sur deux. Le ministère, lui, semble résolu à ne pas sacrifier la tenue de cette épreuve qui devrait se dérouler «dans des conditions normales».
Clara et Julie (1), 17 ans, à l’initiative de ce «mouvement», ont accepté de porter la parole de leurs camarades en gérant également un compte Instagram qui regroupe plusieurs témoignages. Si elles expliquent ne pas être contre l’épreuve en soi, elles pointent du doigt un manque de préparation et surtout de communication de la part du gouvernement.
Que contestez-vous à travers cette pétition ?
Déjà, cette épreuve aurait dû être préparée dès la première, puis tout au long de l’année de terminale, ce qui n’est pas du tout le cas : on vient à peine de commencer. On reçoit même des témoignages de lycéens sur Instagram qui n’ont pas encore débuté ou qui n’y arrivent pas à cause des cours à distance ou du manque d’accompagnement. Preuve des inégalités entre les lycées et les régions.
Aussi, la réforme a été annoncée entre 2017 et 2018, et l’Education nationale n’a toujours pas ajusté les détails trois mois avant l’épreuve… On a l’impression que le ministre veut absolument qu’elle ait lieu car c’est un peu la nouvelle épreuve phare de sa réforme, mais même les profs manquent d’informations.
Enfin, on ne comprend pas l’écart de coefficient qui est de 10 pour la voie générale et de 14 pour la voie technologique. Ainsi que les conditions de l’épreuve, qui doit durer cinq minutes [de présentation, suivie de 10 minutes de questions, ndlr], sans support. Si un élève timide dépasse le temps imparti, il risque d’être pénalisé, alors qu’il aura sûrement essayé, en vain, de chercher ses mots. Quant au masque, c’est une difficulté en plus [pour s’exprimer devant un jury].
Avez-vous déjà reçu du soutien ?
Oui. Que ce soit dans les commentaires ou dans les signatures, il y a beaucoup de lycéens mais pas que. De nombreux parents d’élèves sont inquiets pour leurs enfants. J’ai même pu lire un commentaire d’une grand-mère qui était inquiète pour ses petits-enfants touchés par la réforme. Il y a aussi des professeurs qui ont signé la pétition. C’est flou pour eux aussi. Et puis on a récemment eu le soutien de plusieurs syndicats, notamment du Snes-FSU [premier syndicat des enseignants du secondaire]. Ça touche beaucoup de monde et l’inquiétude est générale.
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Avez-vous l’espoir que vos revendications soient entendues ou du moins comprises ?
Oui, c’est bien que les médias parlent de nous. On sent que la mobilisation prend de l’ampleur et que notre engagement commence à porter ses fruits avec le nombre de signatures de la pétition qui ne cesse d’augmenter. On ne perd pas espoir. Ce qu’il faut comprendre c’est que sincèrement, si on avait commencé à préparer l’épreuve en amont, dès la classe de première ou le début de la terminale, avec les bonnes indications, cela aurait été une épreuve très intéressante et on n’aurait pas fait toutes ces démarches, ni la pétition. Tout simplement parce qu’on aurait été prêts et on aurait compris et accepté l’épreuve et ce, malgré la situation sanitaire.
(1) Les prénoms ont été modifiés