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Piqûres au sel, coups de balai, cures de silence… Dans les anciens pensionnats sanitaires, des récits enfouis de violence

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Affaire Notre-Dame de Bétharramdossier
Ils s’appelaient centres héliomarins, aériums ou préventoriums : dans les années 50 jusqu’aux années 80, des pensionnats sanitaires accueillaient des enfants pour des cures au grand air. Le livre-enquête d’une journaliste indépendante révèle que de nombreux mineurs y ont subi des violences sous couvert de soins médicaux, loin du regard de leurs parents.
Brigitte Chelle-Baillet, ancienne pensionnaire victime de violences, à Gradignan (Gironde), le 17 avril 2025. (Marion Parent/Libération)
par Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux et Carole Suhas, Correspondante au Pays basque
publié le 9 mai 2025 à 19h07

Soixante ans ont passé, mais il a fallu seulement quelques secondes à Brigitte Chelle-Baillet pour voir de douloureux souvenirs ressurgir au pied du domaine de Bordaberry, une résidence nichée au cœur d’un parc de douze hectares sur la corniche basque, à Hendaye. Elle l’a connu sous le nom de «L’Enfant-roi». «Je suis venue cet automne, avec mon mari. Après toutes ces années, j‘en ai ressenti le besoin. Ça a été un pic au cœur d’émotion, décrit la septuagénaire, qui habite désormais en périphérie de Bordeaux. J‘ai reconnu les allées, les fleurs. Puis plus rien. Je suis rentrée dans le hall, tout a changé. C’est devenu un centre de vacances.»

Brigitte n’y avait jamais remis les pieds depuis 1964. Elle avait 9 ans. Cette année-là, le médecin de famille lui prescrit un séjour en centre héliomarin pour des motifs encore obscurs. Entre les années 50 et 80, des centaines d’enfants sont envoyés dans l’établissement hendayais financé par la Sécurité sociale, héritier de la lutte contre la tuberculose. D’autres centres, ailleurs en France, fonctionnent sur un modèle similaire. Autorisés par l’Etat à enfermer des enfants mineurs, hors de tout contrôle, sous couvert de les soigner, ils sont le plus souvent situés sur le littoral ou en montagne. A l’abri des regards, des pensionnaires âgés de 2 à 12 ans y subiront des violences, aussi bien sur le plan physique que psychique.

«Histoire éparpillée»

Durant deux ans, la journaliste indépendante Fanny Marlier a enquêté sur la face cachée de ces huis cl