Le Parcoursup du stage d’observation. Du 17 au 28 juin, 560 000 élèves inscrits en seconde générale et technologique devront effectuer deux semaines d’immersion dans le monde professionnel… s’ils arrivent à trouver une entreprise pour les accueillir. Pour contrer cette grande inquiétude, le ministère de l’Education nationale a annoncé, dans un communiqué publié ce mercredi 6 mars, mettre la plateforme «1 jeune, 1 solution» à disposition des entreprises qui souhaitent accueillir des adolescents dans leurs locaux. Depuis ce mercredi après-midi, les entreprises, associations ou administrations publiques souhaitant recevoir un stagiaire de seconde peuvent s’enregistrer sur la plateforme du gouvernement et y publier une offre. Le 25 mars, les lycéens pourront à leur tour y «effectuer la recherche de stage qui leur convient» et postuler.
«Informations au compte-gouttes»
Annoncé de façon subite par l’ancien ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, en septembre pour «reconquérir le mois de juin», le dispositif «Mon stage en seconde» a pris de court les syndicats et les enseignants. «On est en mars, les stages doivent être effectués en juin pour tous les élèves et on reçoit les informations au compte-gouttes, déplore Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU et enseignante dans un lycée de Seine-Saint-Denis. C’est de l’improvisation totale. Quand les élèves nous posent des questions on ne peut pas leur répondre.»
De nombreux points restent encore à éclaircir. Le ministère a déjà annoncé qu’une convention doit être signée par l’établissement scolaire, l’entreprise et les responsables légaux. Les élèves savent également depuis l’annonce initiale du projet que s’ils ne trouvent pas de stage, ils pourront le remplacer par un engagement dans le Service national universel (SNU). L’Education nationale a également précisé au Figaro étudiant, en octobre, que «le suivi de stage [serait] assuré dans le cadre d’un entretien individuel, au début de la classe de première. Concernant une possible évaluation de ce dernier, nous revenons vers vous au plus vite». Cinq mois après, la secrétaire générale du Snes-FSU n’est pas plus avancée : «On nous avait promis une note de service en décembre… Nous l’attendons toujours.»
Autre source de préoccupations, «la mise en concurrence des 560 000 élèves de seconde générale et technologique de France», note Sophie Vénétitay. La sénatrice Catherine Belrhiti (Les Républicains) s’était déjà emparée du sujet le 26 octobre, en questionnant Gabriel Attal. Tout en reconnaissant que l’idée d’un stage «n’était pas inintéressante», elle redoutait «des conséquences catastrophiques» pour les élèves de seconde. «Avec un tel nombre d’élèves cherchant un stage identique en même temps, beaucoup risquent d’effectuer un stage par défaut, dans une entreprise qui ne correspond en rien à leurs aspirations professionnelles», s’inquiétait-elle.
Mise en concurrence
Pour rassurer enseignants, parents et élèves au lancement de l’opération Mon stage en seconde, Gabriel Attal et Bruno Le Maire avaient assuré que 200 000 offres étaient «déjà disponibles», le 30 novembre. Alors en déplacement dans un lycée de Seine-Saint-Denis, le ministre de l’Economie avait enjoint les entreprises à proposer des offres de stages. «Il y a 500 000 stages à pourvoir. Donc il faut qu’il y ait 500 000 propositions. Il ne s’agit pas d’en avoir la moitié», avait-il insisté.
Formation
Vendredi, la nouvelle ministre de l’Education, Nicole Belloubet, s’est rendue dans un lycée de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) qui applique déjà la mesure. Cette opération de communication n’a pas manqué de faire lever un sourcil à la syndicaliste du Snes-FSU. «La ministre a quand même choisi un des lycées les plus favorisés du département, ironise Sophie Vénétitay. Le réseau professionnel des parents d’élèves y est sans aucun doute beaucoup plus développé que dans un lycée de Seine-Saint-Denis.» Les inégalités sociales entre les familles vont conditionner les choix de stages chez les élèves de seconde et si ces derniers ont un poids dans le dossier scolaire ils pourraient renforcer la fracture sociale chez les jeunes générations, s’inquiète la syndicaliste.
«On est surtout inquiets pour les zones rurales, où ce sont les parents qui vont devoir assurer la logistique pour leurs enfants, pour les emmener parfois relativement loin», a souligné ce 6 mars sur franceinfo Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public. La secrétaire générale du Snes-FSU abonde. «Dans les territoires enclavés, peu dynamique, sans moyens de transport public, il y a fort à parier que les élèves se retrouvent en stage dans l’entreprise de leur famille. Ça ne corrige en aucun cas les inégalités», assène Sophie Venetitay.