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Education nationale

Pyrénées-Atlantiques : les syndicats exhortent le rectorat à renforcer les contrôles sur l’enseignement catholique sous contrat

L'enseignement public-privé en débatdossier
Après les révélations de «Libération» sur les dérives de l’Immaculée Conception, le plus gros établissement scolaire catholique sous contrat du Béarn, une intersyndicale public-privé demande le renforcement des contrôles du rectorat et du ministère sur ce statut spécifique.
Avec ses 2 600 élèves et 250 professeurs, l'Immaculée Conception de Pau (Béarn) est le plus gros établissement scolaire privé sous contrat du département. (Marion Vacca/Libération)
publié le 7 mars 2024 à 17h59

Au bout des recours administratifs, ne reste plus que la presse. Mercredi 6 février au soir, cinq syndicats des enseignements public et privé des Pyrénées-Atlantiques – FEP-CFDT Béarn et Pays basque, FNEC FP FO 64, SNFO EP 64 et FSU 64 – se sont réunis autour d’une table à Pau pour dénoncer unanimement et publiquement «les dérives de l’enseignement catholique dans les Pyrénées-Atlantiques» et pour demander un renforcement des contrôles du rectorat et du ministère de l’Education nationale.

Dans leur viseur, le plus gros établissement scolaire privé sous contrat du Béarn, dans le centre de Pau : l’Immaculée Conception. Cours de catéchisme obligatoires et évalués, intervenants LGBT-phobes, comme Inès de Franclieu, réécriture historique, entraves à la liberté de conscience… Depuis le changement de direction de l’établissement en 2013, initié par l’évêque ultraconservateur Marc Aillet, les syndicats fustigent un «des manquements aux clauses du contrat d’association». «Ce n’est pas la première fois», tacle Alexis Guitton, secrétaire national de la FEP-CFDT. Après avoir récolté de nombreuses preuves, les syndicats sont allés porter l’affaire devant le rectorat et l’administration diocésaine. En vain. «Nous avons relancé le rectorat et le ministère en 2021, 2022, 2023, liste Marie-Pierre Ardillon, représentante pour le second degré de la FEP-CFDT Béarn. Maintenant nous sommes suspendus à la réponse de la rectrice. On est au bout et l’heure est grave.»

Interrogée par Libération en janvier sur le non-respect de la laïcité dans l’établissement palois, l’académie de Bordeaux avait assuré que «la rectrice adressait une demande d’explication à l’établissement afin d’objectiver les faits». Après la conférence de presse au sujet des multiples saisines par l’intersyndicale, le rectorat a de nouveau affirmé ce jeudi 7 mars «exercer un suivi».

«140 000 euros à l’Immac en trois ans»

«Il y a eu un réel changement du discours confessionnel privé en France. La laïcité n’est plus respectée, affirme Alexis Guitton. Comme il n’y a pas eu de réactions particulières du ministère, le discours catholique s’est complètement décomplexé, que ce soit dans le lycée Stanislas de Paris ou à l’Immac à Pau.» «Il faut un réel courage politique de faire changer les choses», abonde Clément Pottier de la FSU. Les syndicats évaluent le tournant au moment de l’adoption du mariage pour tous ou encore la promulgation des textes progressistes sur l’accueil de personne trans dans les écoles et sur la formation des enseignants à la laïcité. Selon eux, certains religieux ont, en réaction, renforcé leurs discours conservateurs et anti-laïques.

«Tout cela doit être sérieusement vérifié», martèle Alexis Guitton, qui déplore le manque de moyens ministériels alloués aux contrôles et aux inspections des établissements privés. Pour Clément Pottier de la FSU, il faut également que les collectivités locales, la mairie de Pau et le conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques se saisissent de l’affaire et contrôlent les financements attribués aux établissements privés catholiques. «Surtout le conseil départemental, qui a versé 140 000 euros à l’Immac en trois ans», fustige-t-il.

Même si les recours administratifs sont épuisés, l’intersyndicale appelle à la «ténacité» et rappelle que leur combat est «également porté par des enseignants de l’Immac qui se sentent mal» mais qui, par crainte de représailles de leur direction, n’osent pas s’exprimer. Les syndicats concèdent néanmoins que tous les membres du personnel de l’Immaculée Conception ne sont pas d’accord avec leurs revendications. Malgré tout, ils comptent sur un sursaut général pour faire bouger les lignes. «Mais réveillez-vous ! interpelle Marie-Pierre Ardillon. On ne veut pas faire exploser l’enseignement catholique, on veut appliquer la loi.»