Désinscrite puis expulsée. Une étudiante gazaouie de 25 ans - qui devait faire sa rentrée en septembre à Sciences Po Lille - a désormais «vocation à quitter le territoire national», a déclaré ce jeudi 31 juillet une source diplomatique française auprès de Libé. En cause : des propos antisémites qu’elle aurait tenus en ligne et qui lui valent aujourd’hui d’être visée par une enquête.
Des captures d’écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu’un compte – attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis – a notamment repartagé des messages appelant à tuer des Juifs. Sollicité par l’AFP, Sciences Po Lille a indiqué mercredi que «les propos sur les réseaux sociaux de la jeune fille sont confirmés», sans les détailler, et expliqué les avoir découverts à la suite d’un reportage diffusé le 28 juillet. Le même jour, la jeune femme était désinscrite de l’IEP du fait de ces publications «en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences-Po Lille».
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Pour l’heure, la destination vers laquelle elle pourrait être renvoyée n’a pas été précisée. Tirs et bombardements israéliens se poursuivent sur la bande de Gaza, après 22 mois de guerre sans répit contre le Hamas, à la suite de l’attaque menée contre Israël le 7 octobre 2023. Le territoire est aujourd’hui menacé d’une «famine généralisée», selon l’ONU.
Arrivée en France le 11 juillet, la Gazaouie a bénéficié d’une bourse du gouvernement - un programme créé il y a un an - pour pouvoir étudier dans la prestigieuse école située dans le nord de la France. Les boursiers «sont sélectionnés sur des critères d’excellence académique et font l’objet de vérifications de sécurité par les services compétents avant leur arrivée en France», ajoute une source diplomatique auprès de Libé.
«Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et le ministre de l’Intérieur ont demandé le lancement d’une enquête interne, afin que cette situation ne se reproduise plus», souligne-t-elle. Plusieurs centaines de personnes - ressortissants français, boursiers, artistes ou chercheurs notamment - ont été évacuées de Gaza par la France depuis le début de la guerre.
«Il a fallu s‘organiser dans l’urgence»
Contacté par Libération, le directeur de Sciences Po Lille Etienne Peyrat confirme : «Fin avril, le Consulat général de France à Jérusalem nous a prévenus qu’un groupe d’étudiants allait sortir de Gaza dans le cadre d’un programme porté par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères». L’institution propose alors à l’IEP de scolariser l’un d’entre eux. Ce dernier accepte, à une condition : que «le profil académique de l’élève corresponde à nos formations». «Tout ce à quoi nous avons donc procédé, c’est l’examen d’un dossier académique», souligne le directeur.
Titulaire d’une licence de droit, l’étudiante de 25 ans est alors acceptée dans un master de communication de l’école. A partir de là, tout se bouscule : «Le 3 juillet, nous avons été prévenus que le groupe sortirait prochainement de Gaza par la Jordanie et que l’on devrait se charger de leur accueil. Il a fallu s’organiser dans l’urgence», rapporte Etienne Peyrat. Dans l’urgence, en particulier pour l’hébergement. Car, si des solutions sont alors envisageables pour offrir un toit à la jeune femme, elles ne le sont qu’à partir de la fin du mois. «Comme j’étais en déplacement à l’étranger à cette période-là, j’ai proposé de prêter mon lieu de résidence à cette étudiante le temps que la situation se débloque. Je n’ai en revanche évidemment pas habité avec elle», précise Etienne Peyrat.
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Le parquet de Lille a annoncé jeudi l’ouverture d’une enquête pour «apologie du terrorisme, apologie de crime contre l’humanité avec utilisation d’un service de communication au public en ligne». Auprès de Libé, une source proche du dossier précise que la vingtenaire est pour l’heure «dans une espèce de choc» et a «conscience de la gravité de la situation».
Tollé politique
L’incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu’au gouvernement. «Pourquoi on est passé à travers ? Il y a quand même une question, il faut y répondre», a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur. «Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d’être renvoyée dans son pays, bien évidemment», a-t-il ajouté.
«Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n’y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s’en est rendu compte», a-t-il ajouté, précisant que «les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères».
«Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n’a rien à faire en France», avait réagi mercredi soir sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait indiqué mercredi sur le même réseau social avoir «demandé de faire fermer ce compte haineux» et souligné que «les propagandistes du Hamas n’ont rien à faire dans notre pays».
Mise à jour à 18 h 30 avec le témoignage du directeur de Sciences Po Lille.