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Réforme

Sur les groupes de niveau, le ministère de l’Education rétropédale

Consciente des problèmes posés par la réforme de son prédécesseur, la ministre Nicole Belloubet a décidé d’assouplir la mise en place des groupes de niveau, au point que leur application même ne semble plus garantie.
Lors d'une manifestation d'enseignants le 6 février 2024 à Paris. (Valérie Dubois /Hans Lucas via AFP)
publié le 7 mars 2024 à 12h49

Problème. Nicole ne croit pas aux groupes de niveau. Gabriel, lui, en avait fait le marqueur fort de sa politique éducative. Face à l’opposition des équipes pédagogiques, et alors que Gabriel a pris du galon, comment Nicole Belloubet, désormais aux manettes du ministère de l’Education, peut-elle se sortir par le haut de cette situation ? Vous avez trente minutes. C’est le temps qu’aura pris le ministère de l’Education nationale pour expliquer, ce jeudi 7 mars aux journalistes, que les groupes de niveau n’étaient pas enterrés, tout en présentant le menu des funérailles.

Reprenons. Les groupes de niveau, c’est cette mesure annoncée en décembre par Gabriel Attal, alors occupant de la rue de Grenelle, qui vise à répartir les collégiens selon leur niveau en maths et en français. Bronca. Les chercheurs rappellent à tout-va qu’une telle organisation est stigmatisante et contre-productive, les profs réclament son abandon.

Dans le plan baptisé «choc des savoirs», qui comprend vingt mesures, «aucune des mesures ne sera abandonnée, c’est bien l’intégralité du plan qui va se mettre en œuvre dès la rentrée, assure-t-on rue de Grenelle. Peu importe le nom que l’on donne à ces groupes, ce qui est essentiel pour la ministre, c’est qu’à la rentrée prochaine, en français et en mathématiques, les élèves de tous les collèges puissent avoir la possibilité de travailler en groupe tout au long de l’année.» Les groupes, de niveau, de compétences ou quelle qu’en soit l’appellation, verront donc bien le jour en septembre. Mais…

«Eviter l’assignation»

Cette mesure «a été au cœur des principales interrogations et des craintes qui ont pu être adressées à la ministre», Nicole Belloubet. Qui a donc décidé d’en assouplir le cadre. «Dans le courant de l’année, il y aura des temps de regroupement de tous les élèves dans leur classe de référence», «afin de favoriser les brassages, d’éviter l’assignation dans un groupe pour un élève donné, de permettre la flexibilité des groupes». Les regroupements, eux, permettront de travailler certaines compétences ciblées et de redispatcher les élèves en fonction. Un collégien peut être bon en algèbre et peiner en géométrie, par exemple, d’où l’intérêt de le changer de groupe selon les notions abordées.

De quoi satisfaire nombre d’opposants à la réforme, la recherche ayant prouvé que les groupes de niveau étaient pertinents lorsqu’ils étaient temporaires et ciblés sur des compétences. Et non, comme cela était prévu initialement, sur l’ensemble de l’année et de la matière.

«C’est aux équipes de trouver l’organisation la plus fine»

Les textes précisant les modalités d’application de la réforme devraient paraître d’ici à la fin de la semaine prochaine. En attendant, un certain flou domine. Les temps passés en classe entière en français et en maths se feront «par dérogation et pour des périodes limitées», «sous la responsabilité du chef d’établissement». Y aura-t-il un nombre d’heures maximal ? «On ne fixe pas de proportion cible de regroupement en classe entière. C’est aux équipes de trouver l’organisation la plus fine à partir de la règle qu’elles ont fixée», rétorque-t-on au ministère. Charge aux inspecteurs, déjà sous l’eau, de s’assurer que la dérogation soit «limitée dans le temps».

En outre, les groupes étant censés être constitués à partir des effectifs de plusieurs classes, garantir ces retours en classe entière impliquera que tous les enseignants de maths de sixième, par exemple, avancent exactement au même rythme, sur les mêmes bases. Une usine à gaz. Qui pourrait fournir les arguments aux équipes opposées à la mesure pour ne pas l’appliquer.