«Un sentiment : le dégoût.» Le ministre de l’Enseignement supérieur Philippe Baptiste doit rencontrer, mercredi 23 octobre, le président de l’université Paris-VIII après la polémique suscitée par une vidéo captée dans l’un de ses amphithéâtres. Les images diffusées par «Léon le média» montrent un rassemblement présenté comme un «grand meeting anti-impérialisme» à l’appel de plusieurs organisations, dont la Fédération syndicale étudiante, organisé le 15 octobre à l’université Vincennes-Saint Denis.
A lire aussi
On y entend l’une des intervenantes, qui n’est pas identifiée, questionner l’auditoire : «Condamnez-vous le 7 octobre ?» Réponse en chœur : «Non.» Et cette même personne d’affirmer : «Nous étions préparés à ce soutien inconditionnel à la résistance héroïque du peuple palestinien et à cette résistance qui passe principalement par la lutte armée». Et d’assurer, au sujet des attentats commis par le Hamas qui ont fait 1 219 morts : «Et donc, le 7 Octobre, nous y étions prêts, nous n’avons eu aucun problème à revendiquer le 7 Octobre.»
Darmanin veut «faire preuve de la plus grande fermeté»
Après la diffusion de la vidéo, Philippe Baptiste a dénoncé mardi soir sur X «un rassemblement aux relents antisémites au cours duquel des intervenants et des participants ont fait l’apologie des actes terroristes du 7 octobre» perpétrés par le Hamas. «Un sentiment : le dégoût», s’est encore indigné le ministre de l’enseignement supérieur tout en annonçant qu’il recevrait le président de Paris-VIII le lendemain pour «comprendre comment un tel événement a pu se tenir sur son campus alors même que des consignes de vigilance et de fermeté ont été passées à plusieurs reprises».
De son côté, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a écrit sur le même réseau social que «l’antisémitisme, et son corollaire l’antisionisme, doivent être combattus avec toute la force de la loi», le second, qui critique la politique d’expansion d’Israël, restant autorisé. Le ministre de la Justice annonçant envoyer «une instruction aux procureurs de la République pour faire preuve de la plus grande fermeté lorsqu’ils sont saisis de ce type de faits». a renchéri sur X le ministre de la Justice Gérald Darmanin.
Billet
Les résultats d’une enquête dans trois semaines
Dans un communiqué, l’université affirme avoir «signalé [mercredi] les éléments portés à sa connaissance au procureur de la République, en application de l’article 40 du Code de procédure pénale», et lancé «une enquête» interne. «Il est clair qu’il y a eu dysfonctionnement», a affirmé mercredi Philippe Baptiste sur LCI, en assurant avoir demandé une enquête administrative et qu’«une fois qu’on aura les résultats de cette enquête dans trois semaines […] il y aura des sanctions». Le parquet de Bobigny, saisi par la rectrice, a immédiatement ouvert une enquête, confiée à la brigade de la répression de la délinquance contre la personne, a-t-il annoncé.
De son côté, l’Union des étudiants juifs de France (UEFJ) a fustigé sur X : «Un meeting en hommage à Georges Abdallah et au FPLP. Dans l’amphi, on applaudit le Hamas et on revendique le 7 octobre.» L’organisation faisant référence à l’intervention en vidéo du militant libanais propalestinien, condamné dans les années 1980 pour complicité d’assassinats de diplomates américain et israélien et à l’organisation à laquelle il appartenait, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). «L’apologie du meurtre et du terrorisme n’a pas sa place à l’université. L’UEJF porte plainte», a-t-elle poursuivi. Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France a également demandé «des sanctions exemplaires».
Des précédents dans d’autres universités
Le président de l’UEJF Yossef Murciano a estimé que l’événement aurait pu être bloqué en amont, pressant les universités de prendre «des mesures fortes avant que les choses ne dérapent». L’université s’en défend, expliquant dans un communiqué que cet évènement du 15 octobre était «initialement présenté sous un autre format, avec un autre programme». Dans une publication postée le 9 octobre sur X, la FSE Saint-Denis annonçait en effet un «grand meeting anti-impérialisme». Sur le visuel accompagnant la publication, le thème, «impérialisme et résistance populaire», et les drapeaux libanais, kanak, marocains et brésiliens étaient affichés en fond. La FSE prévenait également : «Dans le cadre de la Semaine Anti-impérialiste lancée par la FSE partout en France, un grand meeting en solidarité avec la Palestine aura lieu mercredi à l’université Paris 8.»
Les actes antisémites ont fortement augmenté en France et dans le monde depuis le 7 octobre 2023 et la riposte sanglante de l’armée israélienne à Gaza. Des dérives avaient notamment déjà été dénoncées dans plusieurs facultés dans le cadre de manifestations propalestiniennes, notamment à Sciences Po Paris, dans le sillage du 7 octobre 2023. Des incidents visant des étudiants ont également eu lieu dans des universités françaises dont Paris I et Sorbonne Université. Des étudiants de ce dernier établissement dont le nom avait une consonance juive avaient notamment été exclus d’une boucle de messageries mi-septembre.
Début juillet, le Parlement a adopté une loi pour lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Elle prévoit des mesures de sensibilisation et des sanctions disciplinaires et rend obligatoire la désignation dans chaque établissement d’un «référent» dédié à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Son décret d’application doit être publié d’ici la fin de l’année.