Une dissonance. Entre les récits des victimes et le rapport de 1996 commandé alors que François Bayrou était ministre de l’Education sur le collège-lycée de Notre-Dame-de-Bétharram (Pyrénées-Atlantiques), il y a un fossé. «Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés», conclut l’inspecteur pédagogique régional, que Libération a pu consulter. Aujourd’hui, les victimes parlent pourtant d’une institution prisée où régnaient «violences», «prédation» et «silence».
Ce document de trois pages, daté du 15 avril 1996, relate le résultat d’une investigation de l’inspection régionale de l’académie de Bordeaux, déclenchée alors que François Bayrou était ministre de l’Education nationale - il a affirmé ce samedi 15 février l’avoir ordonné lui-même. Cette inspection est survenue après plusieurs faits qui avaient mis la puce à l’oreille des autorités éducatives : un élève avait été giflé par un surveillant, une bousculade entre élèves avait blessé une enseignante et une pensionnaire du dortoir avait été envoyé dehors «en petite tenue» par un surveillant-élève à la suite «d’un chahut» dans le dortoir.
Tribune
Dans sa conclusion, le rapport parle d’«un concours malheureux de circonstances», qui ne remet en cause ni «la qualité du travail» effectué au sein de l’établissement, ni «l’ambiance et les relations de confiance qui y règnent». Le texte préconise tout de même de «demander à un surveillant de reconsidérer sa conception de la discipline», de réduire la dimension des dortoirs et «d’abandonner le principe des élèves-surveillants». En effet, faute de surveillants titulaires, la direction laissait à des élèves de lycée le soin d’encadrer les dortoirs de collégiens.
Circulez, il n’y a rien à voir, semble dire le document. Pourtant, certains éléments soulèvent des interrogations. Seuls les élèves délégués ont témoigné à l’époque, et l’un d’entre eux a eu un discours «plus nuancé» que les autres, selon le texte, sans que l’on sache ce que cela signifie. Par ailleurs, l’enseignante bousculée est décrite comme ayant «exprimé son intention de ‘‘démolir Bétharram’’ considérant que cet établissement utilise des méthodes éducatives d’un autre âge». L’inspection n’a pas pu l’interroger directement car elle était en arrêt maladie et ses collègues se sont dits «surpris et agacé» par le comportement de cette collègue.
«Aller au bout de l’enquête»
Au total, 112 plaintes ont été déposées auprès du parquet de Pau, qui a ouvert une enquête l’année dernière pour des violences, agressions sexuelles et viols commis essentiellement entre les années 1970 et 1990. Le ministère de l’Education nationale a fait savoir vendredi soir que le rectorat de Bordeaux allait ouvrir une enquête sur les faits de violences survenus dans l’établissement.
Tandis que LFI et les écologistes demandent une commission d’enquête, François Bayrou a annoncé plusieurs mesures ce samedi, après avoir rencontré l’association des victimes. Il a notamment demandé «des magistrats supplémentaires» pour «aller au bout» du travail d’enquête, et a ouvert la porte à une révision du statut de victime dans le cadre de faits déjà prescrits.