Le proviseur de la cité scolaire Maurice-Ravel (XXe arrondissement de Paris), menacé de mort sur Internet après une altercation avec une élève fin février pour qu’elle enlève son voile, a quitté ses fonctions. C’est ce qu’a indiqué mardi 26 mars le rectorat de Paris à l’AFP, confirmant un message interne à l’établissement. Retour sur une affaire qui, en moins d’un mois, a abouti au départ à la retraite anticipée de ce chef d’établissement que Gabriel Attal recevra ce mercredi.
Que s’est-il passé le 28 février ?
L’altercation s’est déroulée un mercredi après-midi de fin février. Selon le parquet de Paris, le proviseur avait «rappelé à trois élèves leur obligation de retirer leur voile» dans l’enceinte de l’établissement. «L’une d’elles, majeure et scolarisée en BTS», avait «ignoré le proviseur, ce qui a provoqué une altercation», d’après la même source. Deux plaintes avaient été déposées. Une par l’élève, «pour violences n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail», et une par le proviseur «pour acte d’intimidation envers une personne participant à l’exécution d’une mission de service public pour obtenir une dérogation aux règles régissant ce service». La plainte de l’élève a été classée sans suite pour «infraction insuffisamment caractérisée», a indiqué mercredi le parquet de Paris.
Selon les services du ministère de l’Education, le proviseur a souhaité «entraîner vers la sortie de l’établissement» l’élève, qui a «résisté». «Devant la montée de tension et pour éviter l’altercation», le proviseur «s’est retiré et la police est intervenue», avait précisé le ministère. Citée par Le Parisien, l’élève de BTS, affirmait, elle, avoir été «poussée» et «tapée violemment au bras» par le proviseur. Le surlendemain, le lycée a été bloqué par les élèves, certains demandant la démission du chef d’établissement, et les cours suspendus.
Quelles ont été les conséquences de cette altercation ?
Des menaces de mort à l’encontre du proviseur ont été proférées sur Internet. Un jeune homme de 26 ans, originaire des Hauts-de-Seine, a d’ailleurs été arrêté et doit être jugé le 23 avril à Paris. Un autre homme, interpellé mi-mars à Trouville (Calvados) et placé en garde à vue, a été remis en liberté. La ministre de l’Education Nicole Belloubet s’était rendue début mars au lycée Ravel pour soutenir le proviseur, et déploré des «attaques inacceptables».
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Que sait-on du départ du proviseur ?
Selon un message adressé mardi 26 mars aux parents, élèves, enseignants et membres du conseil d’administration de Maurice-Ravel, le proviseur «a quitté ses fonctions pour des raisons de sécurité», ce que le rectorat n’a pas confirmé, invoquant lui un «départ anticipé» à la retraite et des «convenances personnelles». «Le proviseur du lycée Maurice-Ravel arrivant à quelques mois de sa retraite, il a été décidé, au vu des évènements qui ont marqué ces dernières semaines, de leur médiatisation et de l’impact qu’ils ont pu avoir sur lui, de lui accorder, en accord avec la direction de l’académie de Paris, un départ anticipé», a ainsi précisé le rectorat de Paris à l’AFP.
Le nouveau proviseur de la cité scolaire, qui a pris ses fonctions lundi, explique avoir été «missionné par la direction académique» pour assurer l’«intérim jusqu’au mois de juillet prochain», dans le message adressé à la communauté éducative. Il y ajoute qu’il sera «aidé […] par l’équipe de direction et l’ensemble de la communauté scolaire du lycée», «soudés pour faire face à cette situation exceptionnelle».
Quelles sont les réactions politiques ?
De la gauche à l’extrême droite, des responsables politiques ont déploré ce mercredi un «échec» face à la «mouvance islamiste», après le départ du chef d’établissement. «Voilà à quoi aboutit le “pas de vague”, voilà où nous mènent les petites lâchetés et les grands renoncements», a réagi le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau sur le réseau social X. «On ne peut pas l’accepter», a déclaré sur France 2 le chef des députés socialistes Boris Vallaud, estimant que «c’est un échec collectif». «C’est surtout une défaite de l’Etat» face à «la gangrène islamiste qui prospère», a renchéri sur Sud Radio la tête de liste Reconquête aux élections européennes, Marion Maréchal.
Quelles est la situation sur les atteintes à la laïcité dans le milieu scolaire ?
Depuis l’assassinat de Samuel Paty en 2020, les chefs d’établissement semblent unanimes : les choses évoluent. «L’Etat a pris conscience d’un certain nombre de risques, il n’y a pas d’immobilisme», se réjouit Didier Georges, proviseur et responsable de l’observatoire de la laïcité du syndicat majoritaire SNPDEN-Unsa. Ces dernières années, l’accent a été mis sur la formation du personnel avec le déploiement, dans chaque académie, d’équipes de formateurs dédiés et de référents laïcité. Dans un récent article de Libération, Didier Georges indiquait que la présence de signes religieux dans l’enceinte scolaire était plus souvent due à «des oublis plus qu’à une démarche de provocation ou de contestation».
En vingt ans, il est pourtant clair que «la compréhension de la loi a changé», ajoutait Agnès Andersen, proviseure et secrétaire générale du syndicat ID-FO. Une question de génération, selon elle : depuis le 15 mars 2004, date de promulgation de la loi sur l’interdiction du port de signes religieux dans l’école publique, «le modèle anglo-saxon, qui veut que chacun vienne comme il est, a gagné du terrain en France. Aujourd’hui, beaucoup d’élèves ne comprennent pas en quoi le port d’un signe peut poser problème».
Mise à jour le 27 mars à 11h45 avec plus de précisions ; à 14h15 avec l’annonce de la plainte classée sans suite.