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Tensions

Emeutes en Nouvelle-Calédonie : la réforme gouvernementale adoptée, deux morts dans une nouvelle nuit de violences

En parallèle du vote des députés à l’Assemblée nationale sur le dégel du corps électoral calédonien, les heurts avec les forces de l’ordre, les barrages et les actes de vandalisme ont repris sur l’archipel du Pacifique, où la situation reste critique ce mercredi 15 mai.
Des policiers et des émeutiers néo-calédoniens poursuivaient leurs affrontements ce mercredi 15 mai au matin. (Lilou Garrido Navarro Kherachi/REUTERS)
publié le 15 mai 2024 à 7h30
(mis à jour le 15 mai 2024 à 9h06)

Prise dans une vague de violences qu’elle n’avait plus connue depuis celles, meurtrières, des années 1980, la Nouvelle-Calédonie s’est réveillée groggy ce mercredi 15 mai. Une deuxième nuit consécutive d’émeutes s’est produite sur l’archipel du Pacifique en dépit du couvre-feu mis en place, pendant que les députés votaient à Paris la révision constitutionnelle du corps électoral à l’origine de la colère du camp indépendantiste.

Au terme de la nuit, le représentant de l’Etat dans l’archipel français du Pacifique-Sud a annoncé que deux personne étaient mortes et plusieurs blessées par balles. Il ne s’agit pas de tirs provenant «de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre», a déclaré le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie Louis Le Franc, cité par France Info. «Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés», a-t-il poursuivi, déplorant une situation qu’il a qualifiée d’«insurrectionnelle» dans l’archipel. Un peu plus tôt, il avait fait état de «graves troubles à l’ordre public […] toujours en cours», dont de «nombreux incendies et pillages de commerces et d’établissements publics» et annoncé plus de 130 interpellations depuis le début des violences.

En métropole, l’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de mardi à mercredi par 351 voix contre 153 le texte qui élargit le corps électoral. La réforme devra encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles. Le projet de loi constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de «minoriser encore plus le peuple autochtone kanak».

Dans un courrier adressé mercredi aux représentants calédoniens condamnant des violences «indigne(s)» et appelant au «calme», Emmanuel Macron a précisé que le Congrès se réunirait «avant la fin juin» pour entériner cette réforme de la Constitution, à moins qu’indépendantistes et loyalistes ne se mettent d’accord d’ici là sur un texte plus global.

Appels au calme

Devant la presse, le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, a «pris acte» de la réforme votée à Paris mais déploré une «démarche qui impacte lourdement notre capacité à mener les affaires de la Nouvelle-Calédonie». «Nous lançons un appel au calme», a poursuivi Louis Mapou. «Les mobilisations doivent se passer dans un cadre», a enchaîné le président du sénat coutumier Victor Gogny, «Depuis deux jours on est sorti de ce cadre et le pays est en feu. Il faut revenir dans ce cadre et que tout se calme.»

Dans un courrier adressé au chef de l’Etat, la principale figure du camp non-indépendantiste, l’ex-secrétaire d’Etat Sonia Backès, a demandé de son côté au chef de l’Etat de déclarer l’état d’urgence, «notamment en engageant l’armée aux côtés des forces de police et de gendarmerie». «Nous sommes en état de guerre civile», a-t-elle déploré.

Malgré l’instauration d’un couvre-feu dans l’agglomération de Nouméa mardi dès 18 heures locales (9 heures à Paris), les actes de vandalisme y ont repris de plus belle dès la nuit tombée. Plusieurs infrastructures publiques de la capitale ont brûlé dans la nuit. Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l’ordre, sillonnaient la ville.

Dans la crainte d’un enlisement, des éléments du GIGN, du Raid (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés. D’autres renforts étaient en cours d’acheminement dans l’archipel, selon Gérald Darmanin. Dans un bilan provisoire rendu public mardi, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a fait état de «plus de 70 policiers et gendarmes blessés» dans les violences. Et «80 chefs d’entreprises ont vu leur outil de production brûlé ou détruit», a-t-il précisé devant l’Assemblée mardi.

Faute d’approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires provoquent de très longues files d’attente ce mercredi matin devant les magasins. Certains à Nouméa étaient pris d’assaut, d’autres étaient quasiment vides, n’ayant plus de pain ni de riz à vendre.

Mise à jour : à 9h06, avec l’ajout d’un deuxième mort.