En résumé :
- Le bilan humain après quatre nuits d’émeute s’élève à cinq morts. Trois civils kanaks dont le profil se précise et deux gendarmes, dont un a été victime d’un tir accidentel.
- La nuit de jeudi à vendredi a été marquée par l’arrivée des renforts envoyés de l’Hexagone. Le gouvernement avait annoncé l’envoi d’un millier d’effectifs de sécurité intérieure, en plus des 1 700 membres des forces de l’ordre déjà sur place. L’armée est également déployée pour sécuriser les ports et l’aéroport du territoire.
- Gabriel Attal a présidé ce matin à 8 heures, heure de Paris, une troisième cellule interministérielle de crise au ministère de l’Intérieur. Il doit ensuite avec son prédécesseur Edouard Philippe, qui fut le dernier chef du gouvernement à piloter directement le dossier calédonien, puis échanger avec les présidents de chaque groupe parlementaires, du Sénat et de l’Assemblée en fin de journée.
- Les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi à Paris la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres. Elle prévoit le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
Enquête ouverte visant certains membres de la CCAT. Le parquet de Nouméa a ouvert une enquête visant «des commanditaires» des émeutes qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis lundi, dont «certains membres de la CCAT», collectif indépendantiste mis en cause par les autorités, a annoncé ce vendredi après-midi le procureur de la République Yves Dupras. «J’ai décidé d’ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires», parmi lesquels «certains membres de la CCAT», a-t-il déclaré à la chaîne Nouvelle-Calédonie La Première, ajoutant que les chefs d’infraction portent notamment sur des faits d’association de malfaiteurs.
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Un revirement spectaculaire du RN. Le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella, historiquement opposé à l’accord de Nouméa, assume un spectaculaire changement de ligne sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie et appelle désormais à une nouvelle consultation «dans quarante ans». Jeudi soir, sur France 2, la triple candidate malheureuse à l’Elysée a feint d’interroger : «faut-il, pour négocier et réussir, accorder aux Kanaks la possibilité de se prononcer dans 40 ans sur l’autonomie, pour permettre le développement aujourd’hui et pour les 40 prochaines années avec une pacification de la Nouvelle-Calédonie ?» En répondant dans la foulée : «Oui, peut-être faut-il y réfléchir.» Le parti d’extrême droite s’était pourtant jusqu’alors illustré comme le fer de lance de l’opposition aux «consultations sur l’accession à la souveraineté» prévues par l’accord de Nouméa en 1998, autant qu’il avait dénoncé dix ans plus tôt ceux de Matignon dont il procédait.
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163 gardes à vue et 26 déferrements. Sur Nouvelle-Calédonie la 1ere, le procureur de la République de Nouméa Yves Dupas a expliqué que 163 «mesures de garde à vue» ont été prises depuis le début des émeutes. «Celles-ci ont donné lieu à une exploitation, à une analyse et à une décision du parquet d’organiser 26 déferrements», a-t-il poursuivant affirmant que quatre procédures criminelles sont également en cours. L’une d’entre elles concerne l’homicide volontaire d’un homme de 36 ans tué par un tir d’arme à feu mercredi, à Ducos. Elle «a donné lieu au placement en garde à vue de trois personnes», toujours en cours vendredi soir, précise le procureur.
La Ligue des droits de l’homme et la Quadrature du Net attaquent l’interdiction de TikTok en justice. Les deux associations ont annoncé ce vendredi matin avoir déposé des référés-liberté pour contester l’interdiction du réseau social en Nouvelle-Calédonie. Selon la Ligue des droits de l’homme, qui ne donne pour le moment pas plus de détails, il s’agit de «défendre la liberté de communication des idées et des opinions». L’association la Quadrature du Net, qui défend et promeut les droits et libertés sur Internet, précise avoir déposé son recours en urgence devant le Conseil d’Etat. L’instance a en théorie 48 heures pour se prononcer.
Suite à l'annonce mercredi du blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie, nous venons de déposer un recours en urgence devant le @Conseil_Etat #NouvelleCalédonie https://t.co/laRD4acv3b
— La Quadrature du Net (@laquadrature) May 17, 2024
Un responsable de l’hôpital de Nouméa s’alarme de la situation. Le président de la commission médicale de l’hôpital de Nouméa Thierry de Greslan s’inquiète des difficultés d’accès aux soins engendrées par la situation de «guérilla urbaine» qui règne dans certains quartiers de la capitale calédonienne, évoquant des «dégâts collatéraux terribles». «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d’accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur France Info, évoquant notamment les patients qui n’ont pas pu avoir accès à leur dialyse. Ce chiffre n’est qu’une «estimation qui est très difficile». Les équipes médicales qui «travaillent depuis lundi et qui sont épuisées», doivent faire face à «une situation de guérilla urbaine avec son lot de blessés par balles», avec de nombreuses «fractures traumatiques» à traiter, a-t-il poursuivi. Thierry de Greslan s’inquiète par ailleurs d’une «pénurie majeure» de médicaments qui pourrait arriver si la situation perdure.
«Fermeté, rapidité, systématicité» : Eric Dupond-Moretti a signé une circulaire sur la Nouvelle-Calédonie. Le ministre de la Justice a signé dans la matinée une circulaire de politique pénale. «Dans ma circulaire je demande aux procureurs une attention toute particulière pour les violences qui auraient pour but de blesser ou attenter à la vie des personnels pénitentiaires», a-t-il expliqué depuis Paris, comme le rapporte Nouvelle-Calédonie la 1ère. Cette circulaire se base sur trois mots-clés : «fermeté, rapidité, systémicité», détaille Eric Dupond-Moretti, «parce qu’il faut que l’ordre républicain soit rétabli». Concrètement, le ministre veut que soient privilégiés les audiences uniques pour les mineurs et «envisage» de transférer les «criminels arrêtés et placés sous mandat de dépôt en métropole, pour éviter la contamination des esprits et assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires».
Dans et aux abords de l’aéroport Magenta, destiné aux vols domestiques, l’armée a été déployée alors que des émeutiers y avaient été repérés en fin de journée à Nouméa.
Les vols internationaux suspendus jusqu’à mardi. La Nouvelle-Calédonie coupée du monde. La compagnie Aircalin a annoncé sur son site internet que l’aéroport international de Nouméa restait fermé jusqu’à mardi 21 mai, 9 heures, au minimum. Tous les vols internationaux jusqu’à cette date sont donc annulés et devait être reprogrammés une fois la réouverture de l’aéroport annoncée.
Mathilde Panot s’inquiète de l’interdiction de TikTok en Nouvelle-Calédonie. La cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot a protesté vendredi contre l’interdiction «inédite dans une démocratie européenne» du réseau social TikTok en Nouvelle-Calédonie : «Je ne suis pas d’accord avec» avec cette interdiction «parce que ce qui se fait généralement dans des territoires d’outre-mer se fait ensuite dans l’Hexagone», a-t-elle déclaré sur BFMTV-RMC. Pour la députée, «nous sommes dans un fait colonial et je ne suis pas d’accord avec les restrictions de libertés». Le gouvernement a décidé de suspendre sur l’archipel l’usage du réseau social, dans le cadre de l’état d’urgence, estimant que TikTok permettait aux émeutiers de communiquer entre eux. Par ailleurs, selon le gouvernement, cette interdiction se justifie par des craintes d’ingérence et de désinformation, de la part notamment de l’Azerbaïdjan. Une théorie que Mathilde Panot conteste : «Je crois qu’il faut arrêter de voir des ingérences partout et traiter les problèmes politiquement.»
Bruno Le Maire rencontrera les assureurs la semaine prochaine. Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, réunira les assureurs «la semaine prochaine» afin de «garantir une indemnisation rapide et juste» des dégâts causés par les violences en Nouvelle-Calédonie, annonce son cabinet. Le montant des dégâts économiques est encore en cours d’évaluation et sera communiqué lorsqu’il sera «stabilisé et fiable», selon la même source. Le cabinet du ministre n’a pas donné de date précise pour la réunion prévue avec les assureurs.
«On se bat contre un système colonial.» Pour comprendre les raisons de la colère qui embrase la Nouvelle-Calédonie, Libé s’est entretenu avec plusieurs protestataires, impliqués à diverses échelles dans les manifestations et émeutes de ces dernières semaines. «Avec le dégel, ce sont les blancs, les loyalistes, qui vont décider de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie. Nous, on veut bien vivre ensemble, mais on ne veut pas être minoritaires dans notre propre pays, nous raconte Karine, 60 ans, qui a participé à plusieurs manifestations contre la réforme du corps électoral ces dernières semaines. On forme des jeunes qui sont marginalisés dès qu’ils arrivent à Nouméa. A diplôme égal, on leur préfère des blancs. S’ils n’ont pas de diplôme, ils n’ont accès à rien. Ils en ont marre. On a affaire à des colons, méprisants et arrogants, qui veulent passer en force. On ne peut pas se laisser écraser.» Lire leurs témoignages.
Olivier Faure dénonce la gestion de Gabriel Attal. «A l’heure où on se parle, le Premier ministre devrait déjà y être.» Invité des Quatre-Vérités sur France 2, Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, a s’en est pris à Gabriel Attal et à la façon dont le Premier ministre s’occupait du dossier calédonien : «On ne gère pas la Nouvelle-Calédonie en visioconférence, on la gère en venant sur place […] Avec ce gouvernement, on voit bien que l’autorité est surjouée, mais que la capacité à engager un dialogue fécond est absolument évacuée.» Emmanuel Macron avait proposé de tenir jeudi une visioconférence avec des élus calédoniens qui a été annulée, ceux-ci «ne souhaitant pas dialoguer les uns avec les autres pour le moment», selon l’Elysée. Gabriel Attal doit pour sa part recevoir à Matignon, ce vendredi à 18 h 30, les comités de liaisons parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie pour un «échange» sur la crise.
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Le dessin du jour de Coco dans Libération.
«La Calédonie est ruinée». Le président de la fédération des industries de Nouvelle-Calédonie, Xavier Benoist, a indiqué sur RTL ce vendredi matin que 200 entreprises de l’archipel avaient été «rayées de la carte» et que ce sont «entre 2 000 et 4 000 emplois qui allaient disparaître». Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, devait recevoir les forces économiques du territoire ce vendredi matin à 7 h 15 où devait être évoquée la situation économique sur place après quatre nuits et destructions.
«Un suspect d’homicide s’est rendu». Louis Le Franc, le Haut-commissaire de la République, indique qu’un suspect d’homicide s’était «rendu», sans précision sur son identité ni sur l’affaire concernée. Cinq personnes sont mortes depuis le début des émeutes lundi, dont trois Kanaks (deux hommes de 20 et 36 ans, une adolescente de 17 ans) et deux gendarmes. Le premier, âgé de 22 ans, avait été atteint d’une balle dans la tête mercredi. Le second, âgé de 45 ans, a été victime d’un «tir accidentel» jeudi matin, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
«Il n’y a pas de pénurie alimentaire», selon les autorités locales. Dans un communiqué, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a estimé qu’«il n’y a pas de pénurie alimentaire» sur le territoire. Le gouvernement dit avoir «identifié un stock suffisant de deux mois». «Il y a deux bateaux avec plus d’une centaine de containers qui sont bourrés de denrées» alimentaires au large de la Nouvelle-Calédonie, a repris Louis Le Franc, le représentant de l’Etat sur place, pour qui l’urgence est de «débloquer les barrages».
La situation sur place est plus «apaisée», selon le représentant de l’Etat sur l’archipel, malgré des quartiers «hors de contrôle». La Nouvelle-Calédonie est dans «une situation plus calme» ce vendredi, selon Louis Le Franc, Haut-commissaire de la République, à l’exception de quartiers hors de contrôle que l’Etat va tenter de «reprendre», après quatre nuits de violente contestation contre une réforme électorale votée à Paris. Le représentant de l’Etat a évoqué «trois zones», des quartiers défavorisés du grand Nouméa peuplés majoritairement d’autochtones : Kaméré, Montravel et une partie de «la Vallée du Tir», où des «centaines d’émeutiers» recherchent selon lui «le contact avec les forces de l’ordre» et à poursuivre leurs «exactions». Une école et de deux entreprises ont été incendiées.