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Libération
Décryptage

En France, l’augmentation du taux de mortalité infantile reste une triste réalité

Une étude de l’Inserm parue en mars fait état d’une augmentation de 7% de la mortalité infantile en France entre 2012 et 2019. Les chercheurs appellent à une prise de conscience collective vis-à-vis de ce marqueur crucial de santé publique.
L’étude souligne que «près d’un quart des décès (24,4 %) [surviennent lors] du premier jour de vie, et la moitié (47,8 %) au cours de la période néonatale précoce, soit au cours de la première semaine suivant la naissance». (Peter Dazeley/Getty Images)
par Paul Arnould
publié le 31 mai 2022 à 8h15

Une déprimante augmentation. Le taux de mortalité infantile s’accroît chaque année en France depuis 2012 alors même que les Nations unies ont fixé comme objectif principal l’élimination des décès évitables d’enfants d’ici à 2030. L’alerte provient de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans une étude parue il y a quelques semaines. Le travail scientifique fondé sur des données de l’Insee, en lien avec l’Université de Paris, de l’AP-HP, du CHU de Nantes et des chercheurs de l’Université de Californie, met en évidence une augmentation de 7 % du taux de mortalité infantile entre 2012 et 2019. Précisément, ce sont 1 200 décès supplémentaires par rapport aux voisins européens qui ont lieu chaque année en France parmi les enfants âgés de moins d’un an. L’étude souligne que «près d’un quart des décès (24,4 %) [surviennent lors] du premier jour de vie, et la moitié (47,8 %) au cours de la période néonatale précoce, soit au cours de la première semaine suivant la naissance». Derrière ces chiffres, un constat froid, celui que la France est en recul par rapport à ses voisins européens et notamment la Finlande et la Suède, qui parviennent à faire diminuer ce pourcentage de façon «continue depuis la Seconde Guerre mondiale». «C’est un sujet majeur, car une société qui ne prend pas soin de ses nouveau-nés est une société en difficulté», s’insurge le pédiatre Jean-Christophe Rozé, coauteur de l’étude de l’Inserm.

Le taux de mortalité infantile était en 2019 de 3,5 décès pour 1 000 naissances (soit 2 635 enfants au total), un chiffre pratiquement similaire à l’année 2005. En déterminer les causes pour ensuite agir, c’est l’objectif de ces chercheurs. Si l’étude n’avance pas d’hypothèses, elle précise que cette «tendance n’était pas liée à la modification des pratiques d’état civil, ni à la modification des pratiques médicales pour la prise en charge des nouveau-nés atteints d’affections graves». Néanmoins, le Pr Martin Chalumeau, dernier auteur de l’étude, appelle à aller plus loin en «disposant d’informations systématiques sur les circonstances médicales et sociales précises de ces décès». Parmi les pistes de travail, on peut citer l’allongement de l’âge maternel, l’extrême tension dans les établissements de santé depuis des années due à un manque de moyens et de personnels. Mais aussi les grossesses multiples de plus en plus fréquentes avec le recours à la procréation médicalement assistée, qui «expliquent l’augmentation de la prématurité et donc de la mortalité et morbidité associés, selon le pédiatre Jean-Christophe Rozé, du CHU de Nantes. Même si les autres pays européens sont dans la même situation».

«Un accident sur mille naissances»

Pour aller plus loin, Jean-Christophe Rozé affirme que la démédicalisation de l’accouchement s’est abusivement accentuée : «Quand il y a une maman et un bébé qui ne présentent a priori aucun risque, il existe toujours un accident sur mille naissances.» Les maternités très éloignées des grandes villes où le niveau de sécurité est insuffisant sont aussi pointées du doigt par le chercheur : «Cette mortalité n’est pas liée avec la distance de l’accouchement.» Le pédiatre élabore d’ailleurs des «propositions auprès du ministère de la Santé» pour remédier à ce type de mortalité et espère que «le nouveau cabinet s’intéressera à ce sujet et le mettra en priorité».